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Ravel l’Euskaldun par Etienne Rousseau-Plotto

Ce livre sur Ravel est la réédition d'un ouvrage paru en 2004 que l'auteur a révisé et augmenté à la faveur de nouvelles sources et d'une iconographie enrichie. Fervent euskarien, professeur d'histoire à Saint-Jean-de-Luz et organiste de l'église Saint-André de Bayonne, envisage le récit de la vie du compositeur sous l'angle de sa « basquitude ».

Ravel avait choisi de privilégier son côté basque, lui venant de sa mère, nous dit l'auteur, rappelant la naissance du compositeur à Ciboure, petit port voisinant Saint-Jean-de-Luz. Grâce à sa mère née Marie Delouart – le seul amour de sa vie – Ravel parlait assez bien l'euskara (la langue des basques) et semble être resté viscéralement attaché à sa terre natale comme en témoigne l'abondante correspondance avec sa famille et ses amis – les Gaudin principalement – basés « au pays ». Il s'y installera durant de longues périodes en été – « Le charme envoûtant du pays natal » – où il profite des bains de mer, du soleil et autres douceurs de la vie luzienne; jusqu'au début de la guerre qui amorce une longue rupture avec le sol natal. Le décès de sa mère en janvier 1917, alors qu'il est au front avec son frère Edouard, le plonge dans une profonde dépression : « A présent c'est un horrible désespoir » lit-on dans une lettre adressée à Madame Dreyfus. Il ne reviendra en terre basque, « indispensable désormais à son fragile équilibre » souligne l'auteur, qu'en 1921, après avoir acquis sa nouvelle résidence du Belvédère à Montfort l'Amaury. Si la vie parisienne du compositeur est peu évoquée dans le livre, ses rencontres et fréquentations luziennes sont abondamment recensées. C'est une pléiade de célébrités, amis, compositeurs, interprètes qui foulent la terre basque en même temps que Ravel : Stravinsky et sa famille qui s'installent à Biarritz, Debussy, déjà malade, avec sa femme et chouchou, son pianiste Ricardo Viňes, la violoniste et ami chère Hélène Jourdan-Morhange. Certains se sont faits construire une villa à Saint-Jean-de-Luz – ce que Ravel n'a jamais fait! – comme la basse russe Féodor Chaliapine et le violoniste Jacques Thibaud. D'autres y font de plus courts séjours mais rendent visite à Ravel, comme Serge Prokoviev, Marguerite Long, Alfred Cortot, Arthur Rubinstein, Misia Sert… Même si quelques oeuvres, comme le Trio, pourront y être écrites, Ravel souffrira bien souvent de ne pas pouvoir passer l'été dans le sud, lorsque les commandes l'obligent à se « cloîtrer » à Montfort l'Amaury. C'est également à Saint-Jean-de-Luz qu'apparaissent les premiers signes du mal qui l'emportera – une sorte de dégénérescence des cellules du cerveau – lors d'une de ses baignades favorites, lorsqu'il faillit se noyer, déclarant « qu'il ne savait plus nager »…

Les deux derniers chapitres tentent de sonder plus intimement les liens qui nouent la personnalité de Ravel et sa musique même avec l'identité basque. Le chapitre « Ravel au miroir du pays basque » est étayé de nombreux témoignages de proches, d'amis et de Ravel lui-même invoquant ses origines: « on parle de ma sécheresse de coeur. C'est faux […] Mais je suis basque. Les Basques éprouvent violemment, mais ne livrent peu et à quelques uns seulement » aurait-il confié à son ami Jacques de Zoheb. La rapsodie basque Zazpiak-bat, mise sur le métier et jamais achevée par Ravel témoigne aisément des préoccupations du compositeur quant à ses racines. Le premier thème du Trio empruntant au rythme de Zortzico comme le Boléro, qui devait primitivement s'appeler Fandango, sont pour l'auteur autant d'indices qui nourrissent l'idée d'une « âme basque dans la musique de Ravel ». Etienne Rousseau-Ploto la défend avec conviction en envisageant in fine les principales œuvres du compositeur à l'aune du melos euskarien. Foisonnant d'informations et puisant abondamment dans la correspondance du maître de Ciboure – il existerait près de 1500 lettres! – l'ouvrage est richement illustré : photos de famille, portraits, paysages, peintures, manuscrits, extraits musicaux… – ajoutent à la valeur du récit.

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