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Don Giovanni, festival de la blague à Stuttgart

noie Mozart sous l'humour facile : dommage pour la musique.

Ottavio et Anna repoussent leur mariage d'un an ? Quelle rigolade ! Elvire se retire dans un couvent ? Trop drôle ! Quand vient le sextuor final de ce Don Giovanni, cela fait bien une demi-heure que la metteuse en scène a épuisé son répertoire de petites blagues, mais le public ne va pas s'arrêter en si bon chemin, et il était dit que le chef-d'œuvre de Mozart serait englouti sous la farce de part en part. Le traitement qu' avait réservé à La Cenerentola n'était pas beaucoup plus subtil, mais il est particulièrement insupportable pour une œuvre qui n'est une comédie que par moments.

Le cadre de cette pochade, c'est le DG Star Hotel : on ne compte plus les mises en scène de Don Giovanni situées dans un hôtel ; prétend y voir, entre bar, salons et chambres, un lieu pour une mélancolie de la solitude, inspirée des toiles infiniment convenues d'Edward Hopper, ce petit-maître devenu l'étendard des partisans d'une modernité artistique châtrée et sans aspérités : le problème est que le thème de l'hôtel n'est pas plus justifié que développé. Mais elle a trop peur de l'œuvre qu'elle monte pour laisser les personnages à leur solitude. Entrée au répertoire de l'Opéra de Stuttgart en 2012, cette production créée deux ans plus tôt à Brême est un des produits de la résidence d'Andrea Moses à Stuttgart, entamée avec le début de l'intendance de Jossi Wieler en 2011 et interrompue en 2014 – sans grands résultats artistiques. Ici, la manière dont les gags s'enchaînent, l'incapacité à laisser un personnage immobile plus de quelques secondes, la multiplication d'actions parallèles, l'indifférence aux rythmes de la musique : tout cela est très efficace pour un public d'entre Noël et Nouvel An, à la simple condition d'oublier de quel opéra il s'agit.

 

Un peu de musique, malgré tout

Ce traitement agité est d'autant plus dommageable que ce qu'on entend de la fosse et de la scène est loin d'être indigne, avec un Leporello malgré tout subtil, un Commandeur solide, et un chef qui livre une lecture dynamique de la partition ; on aimerait, bien sûr, un peu plus de subtilité dans les couleurs sonores. Même la Donna Anna trop indolente de chante après tout son rôle très correctement, et les Don Ottavio vocalement plus séduisants que ne sont pas légion, même les plus célèbres : la solidité vocale, le goût, l'expressivité dans un rôle qui en a cruellement besoin sont de première qualité. joue avec conviction une Elvira maladroite et un peu ridicule, ce qui se justifie, mais Andrea Moses ne l'a visiblement pas aidée à faire évoluer son personnage au-delà de cette posture de départ. La distribution est dominée par le très beau Don Giovanni de , un des piliers de la troupe de Stuttgart : nul doute qu'avec un metteur en scène plus ambitieux il aurait su trouver dans son personnages des abîmes autrement profonds. C'est dans les représentations de routine, plus que dans les grandes premières, qu'on peut le mieux juger le niveau musical d'une maison d'opéra : Stuttgart ne s'en tire pas mal en cette soirée d'entre réveillons ; quel dommage qu'une mise en scène aussi dénuée de scrupule vienne rendre toute la soirée à la limite du supportable. Ce n'est vraiment pas ce qu'on attend d'une maison aussi réputée pour son ambition en matière scénique.

Crédits photographiques : © Martin Sigmund

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