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La Fantaisie par Gaspard Dehaene

Pour sa première apparition solo au disque, le pianiste s'illustre dans un enregistrement qui s'articule autour de la Fantaisie. Inspirant largement les compositeurs, cette « forme libre » a traversé les siècles et leur a permis une grande liberté d'expression. Chaque morceau apparaît être comme un condensé du langage si caractéristique de chacun à travers un cadre moins formel. Le pianiste aborde les partitions avec une simplicité d'approche. Son jeu « plein » n'en projette pas moins caractère et émotion.

Dans la Fantaisie chromatique, l'articulation du phrasé ne se départit pas d'une musicalité spontanée. En embuscade, la main gauche relance le discours pour accentuer l'aspect récitatif. Fidèle à l'esprit baroque mais aussi en phase avec notre époque, cette interprétation – jouée sur un piano moderne – nous rappelle à quel point Bach peut être envisagé de bien des manières sans perdre en substance dès lors qu'un souffle inspiré le parcourt.

Le tableau devient plus joyeux avec Haydn et son Capriccio construit sur une chanson populaire. Irrésistible dans sa conduite du propos, le jeu est délié, l'expression jubilatoire. Nous suivons aisément la ligne mélodique avec ses effets d'écriture proches de l'improvisation.

Chez Mozart, l'équilibre expressif est plus délicat à trouver. La couleur du ré mineur lui confère cette dimension dramatique souvent bouleversante. Le temps semble suspendu mais le pianiste varie les textures et use de son toucher délié. Ainsi parvient-il avec abandon à cette légèreté qui semble touchée par la grâce.

Régulièrement enregistrée, la Fantaisie de Schumann ne cesse de fasciner et sa place dans la littérature pianistique reste immense. Les quelques libertés de respiration et de dynamiques conviennent à l'esprit-même du genre. Nous assistons à un corps à corps avec l'instrument dans le premier volet. Vibrant à souhait, ce romantisme-là nous touche. Plus introspectif que contemplatif, le Final est d'une tendresse à fleur de peau.

Une thématique comme celle-ci serait incomplète sans l'incontournable Fantaisie- impromptu de Chopin. Cette pièce, non éditée du vivant du compositeur, est envisagée de façon « droite » sans omettre des envolées lyriques – ici lumineuses – ni un épisode central poétique.

Dans Scriabine, l'écriture devient plus exubérante. La densité polyphonique ainsi que les multiples développements thématiques permettent de se rendre compte de l'évolution de langage au fil des siècles. La variété de moyens employés est impressionnante. trouve sa propre voix et se fond dans ces pages passionnées avec une fougue généreuse.

Ce disque constitue une parfaite illustration du genre musical dont il est question. Il met en lumière le talent d'un jeune artiste qui possède tous les atouts pour occuper les devants de la scène musicale.

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