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Le Requiem de Cherubini, ou les débuts en studio de Carlo Maria Giulini

Dans une superbe anthologie, Riccardo Muti démontrait brillamment que c'est peut-être dans la musique religieuse, plus que dans les opéras, que se trouve l'essence même de l'art de , ce compositeur si souvent et injustement relégué au rang d'auteur d'une musique inoffensivement académique. La réédition de cet enregistrement historique du Requiem en ut mineur, que dirigeait son regretté compatriote (1914-2005), confirme les affinités de Cherubini pour le sacré.

Le 21 janvier 1817, la Messe de Requiem en ut mineur « à la mémoire de Louis XVI » honora en la basilique de l'abbaye Saint-Denis le vingt-quatrième anniversaire de la mort de Louis XVI. L'œuvre fut reprise à Vienne peu après, à la mémoire de Beethoven qui, précisément, avait déclaré : « De tous les compositeurs d'opéras vivants, Cherubini est celui que je respecte le plus. Je suis également en total accord avec lui quant à la conception du Requiem ». Brahms qui, plus tard, l'avait à nouveau monté à Vienne, le qualifia de « chef-d'œuvre incomparable », et même Berlioz, dont on sait les démêlés avec Cherubini, l'estima « œuvre maîtresse de son auteur ». « Aucune autre, en effet », poursuivait-il, « ne peut supporter la comparaison, tant du point de vue de l'abondance d'idées, de la plénitude de la forme, que de la suprême et continue beauté du style ».

Certains trouveront curieux de qualifier Cherubini d'innovateur ! Et pourtant, lui, le compositeur d'opéras, fut le premier à se passer dans un requiem des traditionnels solistes, leur préférant le seul chœur mixte, auquel est donc attribué le rôle essentiel. « Entre le Requiem de Mozart et celui de Cherubini, il y a eu la Terreur », avait proclamé Schumann… Dans l'Introit & Kyrie (n°1), le Graduel (n°2) et le Pie Jesu (n°6), Cherubini renonce aux violons pour ne garder que les instruments graves, ce qui ne peut manquer de rappeler le début du Requiem allemand de Brahms.

(1867-1957) estimait suffisamment Cherubini pour nous en laisser divers enregistrements, parmi lesquels on compte les trois ouvertures d'opéra les moins oubliées (Ali-Baba, Anacréon, Médée), le Scherzo d'un Quatuor en mi bémol, la Symphonie en ré majeur, et ce même Requiem en ut mineur, qui fut enregistré le 18 février 1950. suivit son exemple deux ans plus tard en le gravant à son tour avec une équipe toute italienne pour la Columbia anglaise de l'exigeant Walter Legge, et ce disque historique, tout premier en studio de Giulini, est un coup de maître qui préfigure ce que sera sa carrière exceptionnelle dans l'art vocal. Ayant étudié l'alto et la composition à l'Académie nationale Sainte-Cécile de Rome, a dû être fort ému de retrouver des musiciens de cette vénérable institution, plutôt que ceux du Philharmonia londonien, et le résultat, évidemment bien meilleur au niveau sonore que la gravure de Toscanini, l'égale en ferveur interprétative : chœur et orchestre sont incomparables tour à tour de finesse, de recueillement et de grandeur, et font vraiment honneur à l'Académie Sainte-Cécile.

Le label allemand Profil Hänssler, n'ayant probablement pas accès aux bandes originales, semble avoir effectué son transfert à partir d'un excellent microsillon Columbia (33CX1075), et le résultat est plus que satisfaisant.

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