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Mario Hacquard et les mélodies polonaises de Chopin

Il peut paraître risqué de proposer les mélodies polonaises de dans une version française, même si celle de Victor Wilder est la plus connue et la plus aboutie. Pourtant, la souplesse de jeu de la pianiste et la conviction vigoureuse du baryton hors-norme permettent d'entendre dans ce disque de beaux moments musicaux, dans un format simple et populaire.

La démarche créatrice de s'est essentiellement tournée vers l'instrument-roi : le piano. Pas d'opéra, aucune symphonie. Ni l'orchestre, ni le théâtre lyrique ne l'ont visiblement inspiré. Cette absence à son catalogue ne permettait guère, à l'époque, de prévoir le rôle qu'allait jouer ce grand compositeur dans l'histoire de la musique, en particulier dans l'évolution du langage musical. Il est intéressant néanmoins de revenir aux quelques partitions où le piano n'est pas l'absolue vedette. Écrites entre 1827 et 1847, les quatorze pièces du recueil des Mélodies sont essentiellement de forme strophique, composées sur des thèmes simples et de courtes ritournelles pour le piano, inspirés certainement de mélodies populaires. Pour le texte français, Victor Wilder, en s'appuyant sur Mickiewicz, Witwicki, Zaleski et Krasinski, ne conserve qu'un rapport thématique avec les poèmes originaux, puisque la prosodie française chantée, sans les finales et les consonnes du polonais, se prête mal à cette transposition. Entendre ces mélodies dans leur format d'origine avant de les entendre dans cette version française, c'est forcément s'exposer à une déception que les interprètes sauront en partie combler. En partie seulement.

, pianiste passionnée de Chopin, possède un toucher propre à rendre toute la volupté de ces Mélodies, et fait preuve d'une souplesse de jeu indispensable à leur interprétation : le tempo s'échappe, la mesure s'assouplit. Ainsi joué avec une virtuosité contenue, le piano Érard, instrument choyé par le compositeur lui-même, prend la place d'un véritable confident, pour révéler les sentiments les plus heureux comme pour livrer les émotions les plus sombres.

Cet opus 74 serait complet sans l'omission, dans le présent enregistrement, de la berceuse Fais do do, mignonne et de la mélodie Que me fait la rose. On comprend mal pourquoi ces deux pièces manquent à la programmation, et pourquoi le célèbre Nocturne n°20 s'y trouve intégré ; mais l'on peut se réjouir que la personnalité atypique de se déploie pleinement dans toutes les atmosphères. L'artiste donne à voir une facette et un caractère différents à chaque mélodie, grâce à une technique toute particulière qu'il doit certainement à sa formation initiale en chant grégorien à l'école César Franck. Sa passion pour la mélodie française est ici évidente.

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