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Eliahu Inbal, mahlérien sans doute, brucknérien assurément

On connaît les affinités anciennes et ténues existant entre le chef israélien et les deux compositeurs post-romantiques viennois, l'importante discographie qu'il leur a consacrée en est la plus éminente preuve (une Intégrale des symphonies de Mahler et pas moins de cinq versions de la Symphonie n° 4 de Bruckner, dont l'exceptionnelle version de 1874).

Deux compositeurs unis par le même désir de se soustraire à l'influence brahmsienne, mais deux façons bien différentes d'y pourvoir, l'orchestration ciselée de l'un répondant à la monumentalité de l'autre. Une mise en miroir intéressante et particulièrement pertinente, où la qualité des vents du « Philhar » (bois et cuivres confondus) fut une fois de plus décisive dans la réussite de ce concert très attendu.

Dès le premier lied du Wunderhorn « Lied des Verfolgten im Turm » la méforme de paraît évidente, la voix semble vieillie, l'émission difficile et limitée, les graves confidentiels et les aigus très tendus, mettant à mal l'équilibre avec l'orchestre mené par la main précise, vigoureuse et attentive d'. Ce n'est que dans les deux derniers lieder du recueil « Wo die schönen Trompeten blasen » et « Revelge » que le baryton allemand recouvre un peu de sa superbe passée avec un engagement vocal satisfaisant. Point de restrictions, en revanche, concernant l'interprétation vocale et scénique de la mezzo-soprano russe , également habituée de cette œuvre. Le timbre est rond, la ligne de chant souple sans vibrato, l'émission satisfaisante, la diction claire. « Wer hat dies Liedlein erdacht ? » est un modèle de legato, alors que « Rheinlegendchen » pousse l'émotion à son comble face à une phalange qui s'applique à mettre en avant toute la richesse de l'orchestration mahlérienne.

Mais le grand moment de ce concert restera indiscutablement la Symphonie n° 4 de Bruckner dont le chef israélien, passant du cor merveilleux mahlérien au cor extatique brucknérien, donne une interprétation d'anthologie. Comme il y a un an, pour son dernier rendez-vous avec le « Phihar » à l'occasion de son 80e anniversaire, où il avait donné la Symphonie n° 9 du maitre de Saint-Florian, privilégie une fois de plus l'immanence aux dépens de la transcendance en allégeant la texture, sans bouffissure aucune, sur des tempi pleins d'allant, dans une lecture dynamique d'une clarté et d'une limpidité sans faille, faisant valoir tous les pupitres. L'Allegro initial permet d'emblée d'apprécier la magnifique sonorité et l'absolue justesse du cor solo (remarquable ) qui est beaucoup sollicité ce soir sans jamais déroger à son niveau d'excellence. L'Andante au climat plus mélancolique et endeuillé fait la part belle aux cordes (quatuor  et contrebasses) avec une mention particulière pour les cordes graves, altos et violoncelles très lyriques. Le célèbre Scherzo se déroule suivant une vision très narrative, très cuivrée, sans aucune saturation dans la grande salle Pierre Boulez de la Philharmonie, et contraste avec un trio étonnamment presque plus galant que campagnard, avant de conclure sur un Final très animé et grandiose laissant le public sous le charme. Une interprétation magnifique, plus chatoyante que fervente, allégée, dynamique dans les variations de tempi et l'élan des crescendos, usant d'un phrasé souple, parfaitement équilibrée et structurée, toute en nuances et couleurs, servie par un brillant , excellent de bout en bout, tous pupitres confondus. Que demander de plus ?

Crédit photogrphique : © Rikimaru Hotta

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