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L’histoire d’Orphée avec Emőke Baráth et Philippe Jaroussky

De Monteverdi à Sartorio, en passant par Rossi, ce sont trois facettes du couple Orphée-Eurydice que nous proposent des interprètes investis et talentueux. À quand une intégrale de Sartorio ?

Que l'on n'aille pas penser qu'il s'agit du dernier récital de , même si tout, dans l'emballage communicationnel et promotionnel – photo de couverture, note d'intention du contre-ténor français, choix des couleurs pour le nom des interprètes –, pourrait le laisser croire. La soprano hongroise , qui fait bien plus que donner la réplique, se taille en effet une part fort appréciable dans ses trois incarnations d'Eurydice.

Le concept régissant ce CD consiste à coller côte à côte, parfois sans même une seconde d'interruption, des pages de trois opéras du seicento consacrés à la légende d'Orphée. De Monteverdi à Sartorio, en passant par Rossi, le but avoué est d'aboutir à une forme d'opéra-miniature, ou de cantate pour chœur et deux voix, destiné à resserrer l'action dramatique en la recentrant autour du couple principal. Si, de façon générale, les coutures se font plutôt agréablement, et si l'on a tout loisir de goûter la cohérence des enchaînements, ce montage a néanmoins le défaut d'atténuer considérablement les différences fondamentales entre trois ouvrages qui, pris séparément et dans leur intégralité, n'appartiennent pas, et de loin, à la même esthétique. C'est en effet tout un monde qui sépare l'opéra monteverdien de 1607, encore empreint des préceptes de la Camerata de' Bardi florentine, de l'intrigue vénitienne foisonnante qui caractérise l'opéra de Sartorio de 1672. Pour mieux s'en rendre compte, il aurait fallu une intégrale de cet ouvrage, l'opéra de Rossi étant quant à lui un peu plus familier au grand public, depuis l'enregistrement de 1991 que l'on doit à William Christie et ses Arts Florissants.

Mais on ne se plaindra pas de cette belle expérience, servie par des interprètes dévoués et talentueux. De Baráth et Jaroussky, on saluera au premier chef la ressemblance des timbres, lesquels possèdent tous deux cette légère aigreur qui plaît tant à certains, ainsi que le remarquable legato qui semble ici unir les deux personnages du mythe. Si l'on rit aujourd'hui des transpositions qui permettaient autrefois de faire chanter l'Orphée de Gluck à des barytons comme Gabriel Bacquier, Walter Berry ou Dietrich Fischer-Dieskau, on pourra s'amuser des facéties qui nous font maintenant entendre celui de Monteverdi chanté par un contre-ténor… Contentons-nous de dire que seul « Possente spirto » souffre d'un tel choix, les airs joyeux et solaires du début convenant davantage à ce type de vocalité. Autant l'ensemble I Barochisti que le Coro della Radiotelevisione svizzera, placés sous la baguette experte de , parviennent à convaincre et apportent leur belle contribution à ce projet tout à fait stimulant, qui donne réellement envie de mieux connaître les opéras italiens de la deuxième moitié du dix-septième siècle.

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