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Antonio Pappano et Yuja Wang, pour le pire et pour le meilleur

L'association explosive, le temps d'un concert lors d'une tournée européenne, du fougueux chef Sir , à la tête de son orchestre romain, et de la phénoménale pianiste , avait de quoi attirer les foules dans la Grande salle de la Philharmonie de Paris. Un concert rare et très attendu qui ne tint pas toutes ses promesses, oscillant entre outrance, flamboiement et théâtralité, pour le pire et le meilleur.

L'Ouverture du Siège de Corinthe signe dès les premières notes l'engagement exceptionnel de l'orchestre sous la battue volcanique et débridée d'. L'argument guerrier de l'opéra de Rossini trouve son écho dans la dynamique pleine d'allant, dans le phrasé un peu abrupt et dans la richesse mélodique d'une partition haute en couleurs qui laisse à penser que la soirée ne sera pas de tout repos ! Impression vite confirmée par l'interprétation proprement stupéfiante du Concerto pour piano n° 1 de Tchaïkovski. L'Allegro initial désarçonne par son tempo d'une rare rapidité, la sonorité dure fortement résonnante du piano est parfois couverte par l'orchestre du fait d'une puissance bien mal contrôlée. Dès lors le combat s'engage entre les deux protagonistes mettant à mal nos oreilles et la partition qui révèle alors toutes ses faiblesses (dynamique intense et lyrisme sirupeux). La lecture choisie par les deux exécutants est manifestement celle de la virtuosité à tous crins, faisant fi de toute tendresse ou sensualité. L'Andantino apporte un court répit dans cette course furibonde, mais le tempo, cette fois trop lent, suspend la continuité du discours dans un narcissisme pianistique habité de pesants silences. L'Allegro final est peut-être le plus réussi et semble retrouver sinon une cohérence, du moins un semblant de dialogue entre piano et orchestre. Une interprétation en définitive caricaturale et anecdotique, décevante comme à Genève quelques jours plus tôt. Mais une interprétation qui, contre toute attente, enthousiasme le public à qui la pianiste généreuse offre, comme à son habitude une myriade de « bis » divers et variés, comme autant de petits moments de bonheur.

Après le pire, passons au meilleur avec un qui semble avoir enfin repris ses marques. Retour aux fondamentaux, avec les Fontaines et les Pins de Rome d' qui furent créés par ce même orchestre en 1917 et 1923. Pur moment de magie orchestrale déjà vécu comme tel à Genève, mettant en avant tous les pupitres et les timbres de l'Orchestre de l'Académie Sainte Cécile de Rome, que la direction du chef italien ne cesse de magnifier par un phrasé subtil, assez narratif, et un sens des nuances aguerri. À cet égard Les Pins près d'une catacombe dans son ambiance sépulcrale et les Pins de la Via Appia dans sa mouvance guerrière sont, sans aucun doute, les pièces du compositeur les plus réussies et les plus judicieusement interprétées (spatialisation des cuivres séparés) par la prestigieuse phalange romaine qui obtient, une fois de plus, un triomphe de la part du public.

Crédit photographique : Antonio Pappano © BBC/ Chris Christodoulou

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