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Cédric Pescia ou le nouveau souffle de révolutions musicales

L'Auditorium du Musée du Louvre réserve avec un récital bien atypique pour le dernier concert de la saison.

Sur scène, il y a deux pianos de concert face à face, avec un seul tabouret. À gauche, l'instrument est préparé, à droite, « naturel ». Entre les deux, un toy piano, le dos face au public. Le programme est excitant, voire insolite : et en alternance. À travers ce récital, le pianiste souhaite « élargir l'espace sonore du piano ». D'un côté, le maître de Bonn qui a repoussé le potentiel de l'instrument connu à l'époque avec le monumental (op. 111) et les petits formats (Bagatelles), mais tous deux dictés par les surprises harmoniques, les bizarreries formelles ou les brusques changements d'humeur, tout cela dans un rapport avec le silence. Ces mêmes éléments se retrouvent chez Cage, dans un style certes complètement différent, mais ses expériences dans l'exploration de la nouvelle sonorité ont quelque chose de commun avec celui qui lui a précédé 150 ans plus tôt — même si l'Américain « détestait » la musique de son aîné.

commence la soirée avec In a landscape de Cage sur un piano normal, l'enchaînant avec quelques Bagatelles. Puis, il se met sur l'autre côté du tabouret pour jouer des Sonates et interludes pour piano préparé sur le deuxième clavier. Entre certains sons modifiés et d'autres qui ne le sont pas, le piano suscite une sensation surréaliste, tant les gestes du pianiste ne produisent pas la sonorité à laquelle on s'attend habituellement. Par ailleurs, le motif avec un saut d'intervalle de la Sonata XII de Cage et les premières notes de Bagatelle no 3 en ré majeur « A l'allemande », constituées d'intervalles proches de ceux de Cage, frappent par la similitude d'idées musicales.

Une petite pièce de Suite for toy piano introduit la deuxième partie, la plus originale du programme. À ce morceau simpliste succède l'une des pyramides de la littérature musicale de tous les temps, la dernière Sonate de Beethoven, où le silence s'exprime par les notes dans l'« Arietta ». En même temps, la bizarrerie de la forme s'y affirme avec l'absence du troisième mouvement traditionnel. Après une interprétation dégageant une force profonde et déterminée, on assiste à 4'33”, la musique probablement la plus extravagante de l'histoire, par l'absence de… musique. Et joue bien cette « musique » devant le toy piano en tournant les pages de la partition, installée sur un pupitre.

Voilà, la boucle est bouclée ; malgré leur différence, les deux maîtres ont passé une soirée ensemble. Ce sont les doigts fédérateurs et l'idée lumineuse de Cédric Pescia que nous devons louer, lui qui nous a offert avec conviction un moment où la distance temporelle n'est finalement d'aucune importance dans la révolution musicale.

Crédit photographique © Uwe Neumann

 

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