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Avec l’Orchestre de chambre de Toulouse, les Sept paroles courent la poste

Dix-neuf ans après un premier enregistrement (Pierre Vérany PV798061), l' remet sur le métier les Sept dernières paroles du Christ en croix de Haydn, dans sa version pour cordes, la baguette étant passée d' à .

Depuis la création de cette œuvre étonnante, fruit d'une commande de l'évêque de Cadix, pour la semaine sainte de 1786, à celui qui était alors le compositeur le plus célèbre d'Europe, le succès de cette œuvre ne s'est jamais démenti. La preuve en est la multiplication des versions, de l'original (pour orchestre de chambre avec cordes et vents) à l'oratorio, en passant par le quatuor à cordes et le piano seul. Une mutation unique à l'époque, et qui s'explique autant par la renommée de la version originale que par un succès commercial d'édition musicale dû à l'éditeur viennois Artaria. Lors de sa glorieuse tournée à Londres en 1791, Haydn obtint un triomphe en donnant successivement la version pour orchestre, puis celle pour quatuor.

Bien que les musiciens de l'ensemble aient quelque peu changé en presque vingt ans, on est tenté de comparer les cordes toulousaines à elles-mêmes, d'autant plus que l'ensemble aime à rappeler sa filiation aux origines de sa fondation en 1953 par , et que les versions pour cordes ne sont pas nombreuses. Outre une belle homogénéité entre les pupitres et un regard analytique éclairant les contre-chants et les basses, on est d'emblée surpris par une différence de tempo assez radicale. La phalange moderne de prend la partition à bras le corps avec des tempos d'une belle vivacité, qui évoquent parfois la danse. L'esthétique sonore en est certes renforcée, d'autant plus que la prise de son offre une belle clarté, mais le côté dramatique et spirituel de la passion perd de son intensité. Haydn avait beau appeler ces sept adagios successifs des sonates, la 6e d'entre elles, Sitio (J'ai soif), avec ses bouleversants pizzicati, est prise à une allure effrénée, qui sied plus au salon qu'à la chapelle du vendredi saint. La 7e sonate Consummatum est (Tout est consommé), qui marque le sommet dramatique de l'ouvrage, devient quasiment allegro, évoquant plus un aimable mouvement de symphonie du grand Joseph, que l'agonie du Christ sur la croix.

En fin de compte, on est quelque peu gêné par une interprétation séduisante et d'une beauté formelle, où l'émotion est présente, mais qui manque son objectif spirituel. Nous sommes très éloignés de la notion de Nikolaus Harnoncourt selon lequel la musique ne doit pas être confortable, mais dérangeante. Pour l'esprit de l'ouvrage, l'ancienne version d' tient toujours la route avec celle de Sandor Wegh (Capriccio, 1993). On oserait même recommander une plus ancienne version microsillon de Milan Munclinger avec l'orchestre de chambre de Prague (Supraphon, 1971). De nombreuses versions originales pour cordes et vent sont hautement recommandables, à commencer par Jordi Savall (AliaVox).

On regrette aussi une durée chiche de moins de 45 minutes, pour un CD qui peut contenir aujourd'hui le double de musique ; mais il est difficile d'imaginer un complément à une œuvre aussi poignante, à moins de faire comme dans son enregistrement de 2009 avec l'Orchestre de l'Âge des Lumières (Glossa 921109), qui avait commandé des interrmezzi instrumentaux entre chaque mouvement au compositeur hollando-américain Ron Ford. Le langage contemporain se substituait à la rupture des paroles prononcées par l'évêque de Cadix à la création en 1786.

La présentation en simple digipack est soignée, mais la notice d'une rare indigence, où l'on parle plus de l'orchestre et de son directeur musical que de l'œuvre elle-même, est indigne d'un jeune label.

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