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La résurrection du Timbre d’Argent à l’Opéra-Comique

Après la recréation controversée de La Reine de Chypre au Théâtre des Champs-Élysées, on s'inquiétait beaucoup de la suite du Festival à Paris, même si Le Timbre d'Argent était produit et entièrement assumé par l'Opéra-Comique. On avait tort, car on a découvert une œuvre charmante, fort bien montée et distribuée.

La première œuvre lyrique de a attendu longtemps avant d'être jouée, et, paradoxalement, fût créée la même année (1877) que Samson et Dalila qui concentre aujourd'hui la renommée de son compositeur. Il s'agit donc d'un ouvrage de jeunesse, qui comporte de multiples influences, et, curieusement, c'est ce qui fait sa force. Quelle surprise, après une longue ouverture aux consonances berlioziennes, d'entendre tour à tour musique de bal populaire, grand air d'opéra romantique, chanson de cabaret, réminiscence d'opéra-comique, influences de Massenet, Gounod, Wagner… Et tout cela se tient très bien !

Le livret de Jules Barbier et Michel Carré est digne d'une nouvelle d'E.T.A Hoffmann. Un jeune peintre désargenté et amoureux fou d'une danseuse qui vend ses charmes, succombe au maléfice d'une clochette d'argent : chaque fois qu'il la fait résonner, il devient riche, au prix de la mort d'un de ses proches. L'intrigue est basée sur le déchirement du héros entre l'envie d'une vie facile et le remords. Seule la fin est décevante et bien loin de l'univers de l'écrivain, ouf, ce n'était qu'un vilain cauchemar ! Il y a, dans les personnages de l'artiste maudit, du tentateur diabolique apparaissant sous plusieurs identités, de la femme destructrice, beaucoup de similitudes avec les Contes d'Hoffmann d'Offenbach.

Pour décrire cet univers onirique, a décidé d'utiliser toutes les recettes traditionnelles en les dépoussiérant plus ou moins, et c'est particulièrement réussi. On reste admiratif de l'effet que font quelques simples rideaux, pailletés, bouillonnés ou encore en voile. De même, il a fait appel à un magicien, Benoît Dattez, ce qui nous vaut des bouquets de fleurs et des colombes sorties de nulle part, des fumées et des feux de Bengale, des effets simples qui enjolivent l'action et parviennent à en éliminer toute ringardise. Le metteur en scène parie également sur une spatialisation fouillée.

Tout comme dans la Muette de Portici (1828) le rôle féminin principal est tenu par une danseuse, par essence sans voix. y est admirable, d'une incroyable et féline beauté. Dans le rôle de l'amoureux maudit, fait montre d'une belle résistance, car il ne quitte guère la scène pendant les trois heures de spectacle, avec des éclats dignes d'un Faust. , sa douce et pure fiancée, est de façon amusante enceinte de sept mois dans la « vraie vie », ce qui confère une troublante identité à sa poétique prestation. La petite sœur est incarnée par une toujours aussi fraîche.

est une belle découverte en Bénédict, l'ami fidèle et sacrifié. Le timbre est joli, la ligne souple, le phrasé et la diction quasi-vernaculaires. brûle les planches en démon aux multiples déguisements, et sans jamais perdre de vue l'élégance vocale, ose avec gourmandise un véritable numéro de cabaret.

Sous la direction avertie de , l' et le chœur se montrent plein d'alacrité.

Crédit photographique : © Pierre Grosbois

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