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Lille piano(s) Festival 2017, un grand cru

Comme chaque année depuis treize ans, concentre en deux jours et demi une formidable variété de pianistes représentatifs de l'état de l'art actuel, avec parfois plusieurs concerts à la même heure en des lieux différents, ce qui contraint le critique à faire des choix cornéliens, quitte à prendre le risque de les regretter…. Pour cette édition, la programmation a fait la part belle à Prokofiev et Rachmaninov, occasion de saluer la virtuosité transcendante de maîtres comme , ou Nicholas Angelich. Avec les récitals de ou , incontestablement 2017 restera un grand cru dans les annales de ce festival animé avec intelligence et enthousiasme par .

Toujours maître d'œuvre de cette manifestation, même s'il n'est plus chef titulaire de l'Orchestre national de Lille, a concocté un programme splendide faisant la part belle à la musique russe autour de Rachmaninov et Prokofiev. En ouverture, on passera sur dans le Concerto n° 21 de Mozart, joué de façon scolaire, le nez dans la partition, hormis les cadences de la plume de l'artiste. Mais la seconde partie du programme offre le premier grand moment de ce week-end avec la Rhapsodie sur un thème de Paganini sous les doigts virtuosissimes de . Facilité apparente déconcertante, élégance du toucher, humour parfois, le pianiste anglais nous régale de sa fabuleuse technique, accompagné avec beaucoup de vivacité par et son orchestre à leur meilleur.

Plus tard dans la nuit, Vikingur Olafsson convainque moins pour une sixième Partita de Bach jouée de façon très romantique que pour d'éblouissantes Études de en hommage aux 80 ans du compositeur, d'un lyrisme envoûtant.

Le lendemain s'ouvre par un récital poétique et inspiré de entièrement dédié à Schumann, celui conquérant des Papillons et du Carnaval comme celui tourmenté des ultimes Chants de l'Aube. Dans l'après-midi, la petite mais ravissante salle du Conservatoire s'ouvre aux deux pianos d'Hélène Mercier et , des transcriptions de Ravel (Rhapsodie espagnole) et Rachmaninov (Danses symphoniques) jouées avec un sérieux un peu terne. Par comparaison, le concert symphonique qui suit apparait comme le deuxième sommet de la programmation ; triomphe autant que Stephen Hough la veille, cette fois dans l'infernal Deuxième Concerto de Prokofiev et sa délirante cadence du premier mouvement, monstruosité quasiment injouable qui passe comme lettre à la poste sous les doigts du pianiste argentin. Fascinant ! En complément, l', mené au triomphe par l'excellent Hugh Wolff, fait resplendir les Danses symphoniques de Rachmaninov rendues à leur somptueuse parure orchestrale .

Le dimanche, , récent vainqueur du Concours de piano d'Orléans 2016, se montre plus convaincant dans Takemitsu ou les Études d'Hector Parra (compositeur en résidence à Lille) que dans la longue et peu personnelle Rhapsodie de Bartók dans sa version pour piano seul ou même la redoutable Mephisto Walz n° 1 de Liszt, plus technique que démoniaque… On attendait beaucoup du récital de . Si sa Sonate D784 de Schubert reste un peu lisse et manquant d'ampleur et de contrastes, en revanche le pianiste français prend à bras le corps la redoutable Sonate n° 2 de Szymanowski alternant déchaînements pianistiques dans l'orageux premier mouvement avec les échos de danses anciennes dans les variations du second mouvement de ce diptyque et la formidable polyphonie régérienne dans la fugue finale. Un grand moment de piano, incontestablement dans une œuvre rare mais magnifique. Le concert de musique de chambre (quatuors avec piano de Schumann et Mozart) parait bien terne en comparaison ; malgré la présence toujours rayonnante de Gérard Caussé, ni le piano d' ni le violon ingrat de Michael Barenboim ne parviennent à faire décoller l'interprétation.

Enfin la clôture du festival revient à l'Orchestre national de Lille et Jean-Claude Casadesus, d'abord dans le joyeux et ludique Concerto pour deux pianos de Poulenc avec le duo Mercier-Lortie et surtout, conclusion en forme d'apothéose, le Troisième Concerto de Prokofiev sous les doigts magiciens de Nicholas Angelich, dominateur par sa virtuosité comme par son émouvante musicalité dans les célèbres variations du deuxième mouvement. Hough, Goerner, Angelich et Debargue, voilà bien les triomphateurs de cette édition inoubliable du 2017.

Crédits photographiques : Jean-Claude Casadesus et Stephen Hough ; Hugh Wolff et © Hugo Ponte / Orchestre national de Lille

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