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Les Sonates d’Ysaÿe magnifiées par Éric Lacrouts

L'excellent label français Klarthe nous offre une version poétique des six Sonates pour violon seul d' (1858-1931), dont la notoriété en tant que compositeur est enfin reconnue à sa juste valeur. en est l'interprète particulièrement enthousiaste et inspiré.

Ces Sonates pour violon seul op. 27 ont probablement été les premières œuvres de virtuosité transcendante à rendre compte de l'envergure d'Ysaÿe en tant que compositeur, et l'on en dénombre actuellement une quarantaine d'enregistrements de l'intégrale, depuis les gravures pionnières de Hyman Bress (Alpha Bruxelles, 1967) ; Ruggiero Ricci (Vox-Candide, 1974) ; Rudolf Werthen (EMI, 1975) et Gidon Kremer (Melodiya, 1976). À propos de ces œuvres redoutables pour le violon, le grand David Oïstrakh affirmait : « Ysaÿe apporte un renouveau complet dans l'art violonistique, enrichissant les possibilités techniques et polyphoniques de l'instrument. On ne soulignera jamais assez l'apport de l'œuvre d'Ysaÿe dans le trésor musical universel… »

C'est en écoutant Joseph Szigeti (1892-1973) dans une Partita pour violon seul de Johann Sebastian Bach qu' ressentit le besoin impérieux de composer un cycle d'œuvres pour son instrument, qui serait un peu l'équivalent moderne des Sonates et Partitas pour violon seul BWV 1001 à 1006. Ainsi sont nés ces chefs-d'œuvre généreusement dédiés à des virtuoses de son temps, qu'il admirait particulièrement : Sonate n°1 en sol mineur à Joseph Szigeti ; Sonate n°2 en la mineur « L'Obsession » à Jacques Thibaud, où Ysaÿe confirme son obsession pour l'œuvre de Bach par les citations du Prélude de la Partita en mi, en plus du Dies Irae ; Sonate n°3 en ré mineur « Ballade » à Georges Enesco, d'allure rhapsodique, avec utilisation audacieuse de dissonances et quarts de ton ; Sonate n°4 en mi mineur « Caprice » à Fritz Kreisler, rendant hommage au jeu ample et robuste du violoniste viennois, avec allusion à son Prélude et Allegro ; Sonate n°5 en sol majeur « Pastorale » à Mathieu Crickboom, son plus cher disciple ; Sonate n°6 en mi majeur « L'Espagnole » à Manuel Quiroga.

Il serait totalement injuste et superficiel de considérer ces sonates comme de simples démonstrations techniques de virtuosité gratuite : même si n'a jamais eu l'ambition d'être un compositeur de tout premier plan à son époque, alors qu'il défendit admirablement ceux qui l'étaient, il a composé ses œuvres avec un souci constant de vraie musique, à l'inspiration généreuse et d'une écriture exemplaire, confirmant une personnalité forte et originale que ne sauraient amoindrir les influences normales et inévitables de l'époque (Chausson, en particulier). Tout cela, l'a très bien compris, et le résultat de sa vision est péremptoire et prestigieux, allant jusqu'à conférer une ampleur d'allure symphonique basée notamment sur la riche variété des timbres issue de son jeu : il ne fait pas étalage de sa virtuosité, par ailleurs sûre et précise, mais il la met constamment au service de la poétique musicale qui illumine son enregistrement. Ce superbe violon solo de l'Orchestre du Théâtre National de l'Opéra de Paris précise que « les sonates d'Ysaÿe l'ont accompagné durant toute sa vie musicale. » Eh bien, cela s'entend, tout simplement ! Cette réalisation fait honneur au remarquable label français Klarthe, et complémente idéalement celles du violoniste – chef d'orchestre Jean-Jacques Kantorow sur label Musique en Wallonie.

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