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Soirée monochrome pour le Nederlands Dans Theater 1 à Chaillot

Pour son retour au Théâtre national de Chaillot après son triomphe en 2014, le propose deux créations de ses directeurs et et une pièce très attendue de l'explosive Canadienne . Une soirée un peu trop uniforme, malgré le très haut niveau technique des danseurs de la compagnie néerlandaise.

La soirée démarre avec Safe as Houses, une pièce Yin et Yang inspirée de la mythologie chinoise, créée par et , codirecteurs de la compagnie. Cette pièce recèle deux faces opposées : une face sombre, avec trois danseurs à la gestuelle stylisée à l'extrême, et une face lumineuse où les interprètes en blanc dansent de manière étirée et fluide. Ultra-tendue, la pièce se dévide autour de son élément principal, un mur blanc pivotant autour d'un axe central, qui permet aux danseurs d'apparaître et de disparaître à volonté. Contrastées, ces deux faces sont l'une et l'autre aussi austères, en raison du choix des extraits de la musique de Jean-Sébastien Bach qui les accompagnent : concertos pour orgue ou clavecin dans la face sombre et concertos brandebourgeois dans la face lumineuse, impliquant une même rigueur pour les excellents danseurs du 1.

Cette excellence, ils peuvent à nouveau s'en prévaloir dans la création de , In the Event, conçue spécialement pour eux. De pièce en pièce, on commence à mieux connaître la chorégraphe canadienne et à repérer sa signature, quelle que soit la compagnie à laquelle elle destine ses pièces. In the Event rappelle The Seasons' Canon, créé pour le Ballet de l'Opéra national de Paris en 2016, par son côté choral, organique et reptilien. La pièce évoque aussi par d'autres aspects le théâtre dansé de Betroffenheit, créé pour sa propre compagnie et donné récemment au Théâtre de la Colline, à Paris. Illustrant l'angoisse des corps au contact les uns des autres, le rythme de In the Event est intense. Les danseurs s'y précipitent, mus par un sentiment d'urgence.

Le titre de Stop-Motion, la troisième pièce de la soirée et la seconde signée du duo et , fait écho au film diffusé à l'avant-scène, mettant en scène une jeune fille en costume d'époque. On retrouve le même vocabulaire gestuel acéré et étiré que dans Safe as Houses, pieds dans la main et attitudes développées. Mais cette fois, la machine tourne à vide. Les danseurs sont magnifiques, d'un très haut niveau technique, mais ils dansent de manière narcissique, sans créer de l'empathie ou exprimer le moindre sentiment. La musique sirupeuse de a beau essayer de tirer les larmes, on reste de marbre face à cette pièce dont le sujet se veut plutôt sombre.

La juxtaposition de ces trois pièces, séparées chacune par de longs entractes, donne un sentiment d'uniformité qui ne rend pas suffisamment justice aux talents multiples des interprètes. Du temps de Jiri Kylian, excellence et émotion avaient conjointement droit de cité sur scène. Le choix pour les trois pièces de scénographies conceptuelles, presque futuristes – la première avec un mur pivotant et des frondaisons vénéneuses qui descendent des cintres ; la deuxième avec une toile de fond cloquée presque lunaire et des éclats de lumière orange simulant l'orage ; et la troisième avec un film froid à la manière de – pose question. Quelle est désormais l'identité de cette compagnie austère, d'un haut niveau technique, mais qui semble désincarnée ?

Photos : © Rahi Rezvani

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