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Eugène Onéguine en clôture du Verbier Festival

Au dernier jour du Verbier Festival, la partition de l'opéra Eugène Onéguine de avec les élèves de l'Académie de chant et le s'avère au-dessus des moyens interprétatifs malgré l'évident enthousiasme des musiciens.

L'an dernier, en dépit de l'extrême limitation d'un orchestre d'une dizaine de musiciens, l'académie de chant du festival avait donné un passionnant et dynamique Don Giovanni de Mozart dans le confinement de l'église de Verbier. Cette année, dans la grande salle des Combins, accompagné par le , les solistes de l'académie n'ont pas renouvelé le miracle de l'an dernier dans cet Eugène Onéguine de Tchaïkovski trop grand pour leurs talents.

Pourtant sous la direction du jeune chef russe , les premières mesures de l'ouverture font entendre un bien en phase avec les désirs de son chef. Petit à petit cependant, on note quelques légères imprécisions, quelques petits décalages. Rien de bien grave pour un orchestre de musiciens âgés d'entre 15 et 18 ans ! Par la suite cependant les carences inhérentes à la jeunesse de l'ensemble se font plus insistantes. Le phrasé des cordes manque d'ampleur, voir de couleurs, de vibrato parfois. La louable initiative de promouvoir de très jeunes musiciens dans la carrière orchestrale s'avoue discutable dès lors qu'il s'agit de les montrer devant un public gavé de performances professionnelles. Si l'on peut comprendre la joie de ces jeunes interprètes de se produire sur une scène, le niveau artistique et technique qu'ils démontrent à leur âge ne peut être comparé à l'expérience d'autres phalanges. Et peut-être que de les intégrer aux orchestres aguerris (comme c'était le cas précédemment) leur permettrait de mieux intégrer le travail d'orchestre quitte à ce qu'ils soient « coachés » en tant que très jeunes musiciens dans une académie appropriée.
Leur degré d'immaturité (bien compréhensible) s'affiche cruellement dans une partition aussi sentimentale et lyrique qu'Eugène Onéguine. Et les efforts du chef à moduler ses volumes sonores ne font qu'accentuer le sentiment d'une certaine platitude.

Du côté des solistes, quand bien même ils démontrent un métier déjà bien ancré, la sauce ne prend pas. Non pas qu'ils déméritent mais, à de rares exceptions, leurs interprétations restent bien éloignées des canons de l'opéra, ce théâtre chanté. Car même dans une version concertante, de très belles voix ne suffisent pas. Il faut raconter.

Reconnaissons à la soprano (Tatiana) une voix d'une rare beauté. Musicalement, tout y est. Sauf qu'elle n'a rien du personnage et distille ses très belles notes du début à la fin avec un égal ennui. Les autres protagonistes ont beau tenter de jouer quelque peu leurs personnages, rien ne la sort d'une immobilité déconcertante. Tout au plus observe-t-on de temps en temps, une œillade ou un froncement de sourcils. Dans l'air fameux de la lettre où Tatiana, au mépris de la bienséance de son éducation près des conventions, écrit une lettre enflammée à Onéguine, la soprano russe ne laisse rien paraître de son enchantement amoureux ou de son audace à transgresser les us sociétaux.

Dans le rôle-titre, la voix d'airain du baryton (Onéguine) est capable de bons moments. Tout comme le jeune ténor (Lenski) qui, malgré une voix à laquelle il doit encore donner plus de nuances, chante son personnage avec conviction. De son côté, si la mezzo soprano (Olga) manque quelque peu de puissance vocale, elle reste bien établie dans son personnage et possède un charme certain dans son expressivité.

Étonnamment, les meilleurs protagonistes de ce monument musical russe ne sont pas de nationalité russe. Ainsi, en est-il de la convaincante présence vocale de la soprano Anna Harvey (Larina), du beau phrasé de la basse (Gremin), du charme juvénile (peut-être trop pour le personnage !) de la mezzo-soprano (Filippyevna), comme de l'étonnant ténor Satriya Krisna (Monsieur Triquet). Encore plus étonnant reste l'assise vocale exceptionnelle de Paweł Konik (Zaretsky) dont l'entrée en scène met tout le monde d'accord tant sa présence vocale et théâtrale respire l'évidence. En quelques phrases, il pose son personnage, occupe l'espace, avec une aisance déconcertante. La voix est-elle belle, académique ? Peu importe, il est le personnage. Il le joue avec conviction et authenticité même si son rôle est le plus court et le moins spectaculaire de tout l'opéra.

Crédit photographique : © Nicolas Brodard & Aline Paley

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