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Les Anamorphoses de Johannes Schöllhorn

Les musiciens du enregistrent sous la direction de  la série des anamorphoses, l'étonnant projet de , déjà entendu au concert en 2012 à la Cité de la Musique avec l'Ensemble Intercontemporain.

Le terme d'anamorphose est emprunté au domaine des arts plastiques que a également fréquenté. Comme beaucoup de ses contemporains, le compositeur allemand aime revisiter les chefs d'œuvre de l'héritage, qu'il se réapproprie de manière singulière et radicale. L'anamorphose, telle qu'il la pratique, se situe bien au-delà de la transcription, s'appliquant à l'idée de transformation de la forme, précise-t-il. Le travail de réécriture effectué à partir de l'Art de la fugue de , œuvre inachevée du Cantor comptant quelques dix-neuf « contrepoints », s'assimile pour lui à la composition, à la différence près que le matériau d'origine n'est pas ici inventé mais trouvé.

Si Schöllhorn décide de garder l'empreinte temporelle (Contrepoint VI), c'est sur la matière sonore, le choix de l'articulation et les couleurs de l'ensemble (onze instruments sans percussion incluant l'accordéon) que s'exerce l'invention, le compositeur greffant parfois une coda « hors temps », source de rupture vertigineuse. Dans l'élan du Contrepoint IX aux surfaces hérissées où les lignes menacent de voler en éclat, le spectaculaire Canon par augmentation et mouvement contraire s'encanaille, faisant la part belle aux cuivres dans un montage virtuose et très théâtral. Le second canon « in Hypodiapason » prend des allures de fanfare, imposant une conduite musclée qui ne va pas sans humour. Radicalement autre, le Contrepoint XI « respire l'ombre » en multipliant les modes d'articulation et phénomènes bruités au sein d'une matière presque neutralisée et dans un flux discontinu. Mené à toute allure, le Contrepoint X ramène « le plein-jeu » et le relai acrobatique des instruments assumé avec un élan et une fluidité sidérantes par les musiciens du Remix Ensemble. Le Contrepoint VIII s'éloigne toujours plus du modèle et instaure entre les instruments une sorte de « hoquet » (au sens médiéval du terme) sur fond de points et lignes tremblées qui fibrent l'espace de jeu. Le Contrepoint IV, plus singulier encore, se coule dans un temps infiniment long où la matière se cristallise en une trame presque immobile. L'accordéon tire vers le sheng asiatique auquel cordes et vents confèrent un grain particulier. Le piano reste quant à lui autonome, laconique, énigmatique : l'anamorphose par excès d'étirement temporel génère ici une toute autre expérience d'écoute.

Sous la direction de , les musiciens/magiciens du Remix Ensemble en sont les maîtres d'œuvre très investis.

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