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Simon Rattle et le LSO mènent la danse dans la trilogie de Stravinsky

La Philharmonie de Paris consacrait tout un week-end thématique aux rites païens, contes populaires et histoires burlesques dans l'œuvre de Stravinsky*. Des thèmes récurrents, dont la célèbre trilogie de ballets, l'Oiseau de feu, Petrouchka et le Sacre du printemps, composée pour les Ballets russes de Diaghilev, constitue l'exemple le plus éclatant.

Un véritable marathon symphonique intéressant à plus d'un titre, permettant de juger de l'évolution stylistique très rapide du compositeur entre 1910 et 1913, car si l'Oiseau de feu regarde encore vers Rimski-Korsakov, Petrouchka affirme déjà des couleurs parfois dissonantes utilisant des aplats sonores souvent juxtaposés sans continuité narrative vraie. Le Sacre du printemps, quant à lui, affirme clairement, et avec quel éclat, sa modernité scandaleuse en ce début de XXe siècle. Par ailleurs, ce concert très attendu fournit au public parisien l'occasion d'écouter la superbe phalange londonienne et de célébrer le début d'une nouvelle ère sous la houlette de Sir , nouveau directeur du LSO depuis cette saison 2017-2018, après son départ du Philharmonique de Berlin.

L'Oiseau de feu (1910) est entamé de belle manière par les somptueuses cordes du LSO, début qui est suivi d'un crescendo orchestral (cordes et vents) tout imprégné d'attente, avant que ne se développent les différents tableaux dans une lecture très narrative et très analytique, mettant en avant toute la richesse de l'orchestration (cor, hautbois et harpe notamment) sans toutefois nuire à la dynamique d'ensemble. La clarté de la ligne, la précision de la mise en place, la fantastique qualité de l'orchestre, la pertinence de la direction (menée sans partition), la spatialisation des trompettes, la souplesse du phrasé, concourent à donner beaucoup de relief et de couleurs à la partition, qui culmine dans une Danse infernale endiablée suivie d'une Berceuse pleine de charme, de poésie et de mélancolie. Une très belle interprétation, oublieuse parfois de la composante chorégraphique de l'œuvre au profit d'une vision purement symphonique. C'est impeccable de réalisation, mais cela manque un peu d'émotion et de sensualité.

Petrouchka (1911, révisé en 1947) confirme ces quelques réserves, et ne réussit pas à nous captiver malgré un début en fanfare, une rythmique très soutenue. Là encore, s'attache à développer le beau son, s'attardant sur les détails de la partition dans un phrasé acéré, empreint d'une préciosité confinant parfois au maniérisme, au détriment de la vue d'ensemble. Une interprétation où la continuité du discours fait cruellement défaut, sans cesse mise à mal par de longues pauses, oublieuse cette fois de la fête et frôlant le contre-sens. L'orchestre en revanche ne démérite pas (piano, trompette, petite harmonie et contrebasses), fidèle à sa réputation d'excellence.

Le Sacre du printemps (1913) conclut cette trilogie sur une impression plus favorable. Après une attaque un peu hasardeuse du basson, prend rapidement la mesure de l'œuvre en usant d'un tempo juste, dans une dynamique sans répit, particulièrement envoûtante. Images, couleurs, sonorités crues et barbares, contrastes, tension, mise en place : la première partie « Adoration de la terre » est irréprochable. Malheureusement, Simon Rattle retrouve ses vieux démons dans la seconde partie « Le Sacrifice », peinant à maintenir encore une fois la continuité de la ligne et l'intérêt de l'auditeur.

Un beau concert, salué par le public, qui vaut plus par la qualité de sa réalisation orchestrale, avec un LSO de haute volée, que par l'inspiration de leur nouveau directeur musical – ce qui n'est pas rassurant pour l'avenir.

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Crédit photographique : Sir Simon Rattle © Thomas Rabsch / courtesy of the artist

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