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Tout feu sans flamme à Vichy pour Don Giovanni

À Vichy, les grossières espagnolades du metteur en scène Éric Vigié n'ont pas eu le dernier mot face à la virilité diabolique du Don Giovanni de . Malheureusement, malgré cette nouvelle distribution vocale concoctée par la directrice artistique de la maison lyrique vichyssoise et l'impulsion du chef à la tête de l'Orchestre d'Auvergne, le dramma giocoso de Mozart manque douloureusement de corps pour arriver à attiser les flammes de l'enfer.

Mais qu'est-ce qui est passé par la tête de l'équipe de l'Opéra de Vichy pour faire appel à cette mise en scène d'Éric Vigié créée à Lausanne il y a peu ? Il faut rappeler que malgré son superbe théâtre de style « art nouveau », cet Opéra n'est pourvu ni d'orchestre ni d'ateliers. Cela n'empêche pas de nouvelles productions, mais amène à privilégier assurément les reprises. Pour cette fin de « saison en été », la dernière pour la directrice artistique Diane Polya-Zeitline, c'est une nouvelle distribution vocale qui rend cette reprise attractive d'une production composée essentiellement de grotesques espagnolades et d'effets visuels de mauvais goûts, parfois folkloriques, parfois religieux, jamais de bon ton.

Interprète régulier des grands rôles mozartiens, incarne un Don Giovanni viril et résolument noir, coureur insensible, conquérant cynique, frénétique tombeur de femmes. Ce n'est définitivement pas la séduction qui prime dans cette incarnation, mais l'aspect diabolique et pervers de ce héros connu de tous. Ainsi, quoi de plus logique que de le voir périr dans les flammes du royaume des morts (dépourvu toutefois d'une certaine consistante pour faire véritablement frémir) ? On a côtoyé de nombreux Don Giovanni « caméléons », n'existant qu'à travers le regard d'autrui, s'adaptant à leurs interlocuteurs pour ce faire. Le baryton-basse ne s'inscrit clairement pas dans la lignée de ceux-ci, en affirmant une autre orientation claire et sans détour : peu importent les règles, peu importent les autres, Don Giovanni impose. Ce parti-pris aurait été intéressant si son double-contraire en la personne de Leporello avait véritablement donné le change. L'alchimie indispensable pour un résultat incandescent ne s'opère pas. Dommage.

Car dès les premières notes du Notte e giorno faticar, le manque d'une diction percutante de la part de , ainsi qu'une projection lui faisant quelque peu défaut tout au long de la représentation, installent un Leporello bien fade. De comique, il n'en a que la moustache, et les autres facettes du personnage ne sont jamais vraiment exploitées par le chanteur. Littéralement noyé dans les ensembles, le valet du célèbre séducteur n'arrive pas à instaurer une véritable complicité avec son maître dans sa querelle Eh via buffone, ni une véritable connivence avec les spectateurs dans son fameux air du catalogue.

« L'assaillie devenue assaillante », Donna Anna, bénéficie quant à elle de la belle ampleur vocale de . La force du timbre de l'interprète, tout de même assez froid, marque une certaine forme de noblesse dans son air Non mi dir, bell' idol mio, qui souffre toutefois du maniérisme exacerbé de son partenaire de jeu. Autant dans son Dalla sua pace que dans son Il mio tesoro intanto, (Don Ottavio) démontre une exécution bien trop calculée pour véhiculer des intentions probantes, soutenue par un timbre métallique qui ne sied pas au personnage. De même, le gros ventre de Donna Elvira et ses gesticulations malgré son état n'aident pas à rendre son personnage crédible. Elle affirme pourtant une belle détermination dans l'aspect tragique de cette héroïne. A contrario, assure un Commandeur résolu, sans pourtant effrayer personne au milieu de cette mise en scène résolument niaise entre les traditionnels fumigènes et les yeux verts illuminés de l'énorme visage en pierre lors de l'apparition de ce revenant d'entre les morts.

campe une solide Zerlina. Elégante dans la désinvolture de cette jeune paysanne, elle affiche un jeu scénique particulièrement convaincant. La clarté du timbre de la soprano, son émission franche et sa diction parfaite, agrémentent un charme évident que complète idéalement son binôme (Masetto).

Heureusement qu'il y a la structure formelle traditionnelle du dramma giocoso, l'Introduzione où l'on voit l'assassinat du Commandeur permettant de lancer l'action à vive allure. Mais le résultat d'ensemble manque définitivement de vibrations, de fougue. Que ce soit bien clair, ce n'est pas l'énergie du directeur musical de l'Orchestre d'Auvergne qui en est la cause. se révèle constamment soucieux de servir le discours musical, faisant notamment le choix d'un tempo plus lent pour Madamina, il catalogo è questo afin de faciliter le débit vertigineux de cette célèbre partition. D'une précision implacable pour respecter au mieux la vision de Mozart, l'Orchestre d'Auvergne offre une interprétation nuancée tout en élégance alors que le continuo du clavecin est d'une efficace discrétion. Le résultat en fosse est particulièrement soigné et met en œuvre un savant dosage et un bel équilibre dans les intentions, ce dont la mise en scène est définitivement dépourvue.

Crédits photographiques : Victoria Pulido

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