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La flamme de la pianiste Laure Favre-Kahn

La pianiste , que nous avions appréciée notamment chez Reynaldo Hahn, revient au disque, et compose un programme libre et personnel, de très bonne facture.

Ne pas se fier au titre Vers la flamme : ce nouveau disque de n'est pas spécialement composé autour de Scriabine très en vogue ces derniers temps, ni de sa pièce mystique et exaltée. Le disque est polarisé autour de deux pièces auxquelles la pianiste a un attachement particulier, si l'on en croit le livret : Scarbo de Ravel, et les Scènes d'enfants de Schumann. Hétéroclite, il provoque des transitions intéressantes, à la manière d'une exposition de peinture, et parfois surprenantes. Les transcriptions pour clavier de pièces du XVIIIe siècle y ont une place un peu curieuse. Ainsi, à moins d'un certain détachement à l'écoute (ou d'audace ?), le délicat et intimiste Adagio en ré mineur de Marcello semblera bien fade après Vers la flamme, comme la Mort d'Orphée (Gluck) après Scarbo. Pourtant, ces pièces, dont la transcription romantique et un peu surannée est renforcée par un jeu tout en douceur et en nuances, ont un certain charme, comme dans ce Menuet introductif d'Haendel, dans une transcription de .

Suit une version du Scarbo, le gnome inquiétant du Gaspard de la nuit, à la difficulté technique bien connue et ici dominée, dont la pianiste laisse une impression plus diabolique que mystérieuse, par un tempo rapide et un jeu énergique (l'articulation bondissante sur les notes répétées, la variété des articulations et des attaques, la fluidité des doubles croches sont notamment étonnantes). Même noirceur dans Funérailles, où l'on suit la pianiste jusqu'au climax du thème principal. Cette ascension tragique a bien quelque chose à voir avec celle, exaltée, de Vers la Flamme, dont la pianiste donne une bonne version, respectueuse du texte, plutôt sage au jeu des comparaisons. La présence d'Au couvent, issue de la principale œuvre pour piano de Borodine, la Petite Suite, relativement peu donnée, semble un choix judicieux juste après Liszt. Curieusement, c'est dans l'œuvre la moins enflammée de ce parcours, dans la sérénité complexe de ces Scènes d'enfants, maintes fois entendues, que la pianiste nous semble la plus subtile. Jouées sans affectation, mais avec une variété d'articulations, de nuances et un sens du cantabile, elles donnent envie d'entendre dans les autres disques de ce compositeur qu'elle a déjà enregistrés.

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