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L’Elbphilharmonie Orchester donne en création française Reminiszenz de Wolfgang Rihm

Co-produit par le Festival d'Automne et la NDR Elbphilharmonie, ce concert prestigieux donné dans la Grande salle Pierre Boulez à Paris est en partie la réplique de la soirée du 11 janvier 2017 où s'inaugurait la nouvelle Elbphilharmonie de Hambourg avec l'orchestre désormais en résidence – le somptueux – et son chef . La commande passée pour l'occasion au compositeur allemand tient ce soir dignement sa place entre le Prélude de Parsifal et la Symphonie Titan de Mahler.

Comme on le fait aujourd'hui assez souvent et avec plus ou moins de pertinence, la création française de Reminiszenz s'enchaîne attacca avec le Prélude de Parsifal. Abordé dans une lenteur toujours risquée, cette page hiératique et forte, bien sonnante à la faveur des cuivres opulents, peine cependant à trouver son élan. Il nous manque, en ce début de concert, cette « couleur orchestrale qui semble éclairée par derrière », comme le dit si justement l'amoureux de Parsifal qu'était Debussy.
Le ténor slovaque a fait discrètement son entrée dès les premières notes de Reminiszenz. Ce triptyque pour voix et orchestre est dédié à la mémoire de Hans Henny Jahnn, une figure liée à la ville de Hambourg, « celle qui doit s'avancer lorsqu'on inaugure cet édifice remarquable qui rappelle à la fois un navire et une cathédrale » souligne le compositeur. Rappelons que le romancier et dramaturge, mort à Hambourg en 1959, est aussi architecte, biologiste, éleveur de chevaux… et facteur d'orgue, « soucieux de proportions à l'instar du bâtisseur de cathédrale », lit-on dans les notes de programme. Son poème Reminiszenz, extrait de Aus Fluss ohne Ufer (Fleuve sans rives) constitue le noyau dramaturgique de cette partition impressionnante, centre du triptyque autour duquel gravite la Dédicace à Hans Henny Jahnn de Peter Huchel (première partie) et son poème Neige (A la mémoire de Hans Henny Jahnn). A ces textes aussi nocturnes que funèbres, Rihm ajoute un envoi, le quatrain de Walter Muschg, Spruch (Proverbe), « Pleurez sur la mort », qui referme la partition. Dans les premières pages, Rihm laisse la voix ductile et expressive du ténor s'épanouir au-dessus d'un orchestre sans épaisseur, relayant la ligne mélodique presque straussienne par des interludes instrumentaux puissamment colorés. Sonorités tranchantes et écriture aux arrêtes vives d'un orchestre flamboyant introduisent une partie centrale plus tendue où le ténor irréprochable de révèle une vaillance à toute épreuve et une diction exemplaire. Rihm a tenu à ce que l'orgue, dont la console trône à cour, participe de cet hommage à Hans Henny Jahnn. De fait, il intervient en solo, très furtivement, dans un registre quasi céleste contrastant avec les remous expressionnistes de l'écriture instrumentale. Traité de main de maître, l'orchestre affine ses textures et retrouve une transparence dans le poème Neige, dont la voix épouse idéalement la fluidité du chant au lyrisme contenu. Musique et texte raréfiés dans l'envoi confinent au silence et à la pure émotion. fait corps avec son extraordinaire phalange, donnant le meilleur d'eux-mêmes dans une oeuvre aussi expressive que concentrée.

On les retrouve avec un égal bonheur dans la seconde partie de la soirée affichant la Symphonie n° 1 « Titan » de . Si le premier mouvement, un rien prosaïque, manque d'aura mystérieuse, le deuxième, Kräftig Bewegt (puissant agité) darde ses couleurs et son relief avec une acuité galvanisante que nuancent les inflexions viennoises délicieusement distanciées. Racée et presque trop belle est cette contrebasse solo qui débute le célèbre canon paraphrasant Frère Jacques, dans un troisième mouvement au juste tempo. Le pupitre des bois se révèle exceptionnel dans une interprétation qui accuse les contrastes et nous tient en haleine. La synergie est idéale dans un Finale aux lignes acérées que le chef conduit fermement jusqu'à la péroraison bruyante mais toujours maîtrisée. L'épilogue magnifiquement amené, qui fait revenir les sonorités du début, trouve ici l'espace et la transparence qui nous avaient manqué, avant les dernières pages jubilatoires de la partition.

Crédit photographique : © Florence Grandidier

 

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