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De Bordeaux à Paris, Maria Callas s’expose

Le 40e anniversaire de la disparition de la Callas n'est pas passé inaperçu. Entre des journées spéciales consacrées à la Divina sur les ondes radio, un documentaire annoncé au cinéma pour la fin de l'année, des livres et plusieurs expositions de Bordeaux à Paris, il y a de quoi satisfaire les adorateurs de la diva.

L'angle photographique de Paris Match à l'Opéra de Bordeaux

L'exposition Quand le rideau tombe ! est conçue à partir de photographies de la célèbre revue people. Disposés à l'entrée du théâtre, il n'est pas sûr que ces clichés riches, esthétiques mais surtout parfaitement calculés, nous fassent véritablement rentrer dans l'intimité de la Callas ou bien dans les coulisses, comme le promet pourtant l'intitulé de cette manifestation. Néanmoins cet hommage reste bien construit, chaque photographie s'accompagnant de courtes explications et de citations.

Les habitudes de travail de la cantatrice, quelques réflexions sur son art et plusieurs étapes de sa carrière y sont retracées. Ainsi, son lien avec La Scala est évoqué par un cliché d'une représentation à Milan de l'opéra Poliuto de Gaetano Donizetti en 1960 : « En esprit, je n'ai jamais quitté la Scala, mais j'en avais été séparée physiquement », alors qu'une photographie de Philippe Le Tellier, plus intime, nous permet de la retrouver dans sa bibliothèque à Paris le 4 juin 1963 : « (…) la nuit, je me fais des tas d'idées, des idées pessimistes. J'aimerais tellement pouvoir m'en débarrasser. Je ne peux pas sortir, je suis une femme seule la plupart du temps. Marcher jusqu'à l'épuisement ? Une femme ne peut pas faire ce genre de choses ».

« Je ne fais pas confiance à la gloire. » (Milan, décembre 1958)

Le photographe Claude Azoulay fait apparaître la Callas sur scène à Paris le 18 décembre 1958 pour une interprétation des extraits de Norma de Bellini, du Trouvère de Verdi et du Barbier de Séville de Rossini : « je n'ai jamais travaillé pour l'argent. Jamais. Je travaille pour l'art. » Plusieurs photographies nous donnent l'occasion d'entrevoir les préparatifs de représentations ou d'apparitions publiques. Que ce soit lors des essayages d'une robe de gala ou pour la dernière mise en place du costume clinquant d'Iphigénie en Tauride de Gluck à la Scala le 7 juin 1957, la cantatrice dégage un charisme irréel, diffusant l'image d'une femme forte, sans faiblesses.


Et pourtant. La solitude, le manque d'attaches, les déboires amoureux de sont bien réels. L'exposition les traite avec pudeur, suggérant sa relation passionnelle avec Onassis par une photographie de juillet 1959 d'André Sartres. On y voit la Callas et Giovanni Battista Meneghini invités à bord du Christina, le yacht d'Aristote Onassis, là où Winston Churchill assistera aux prémices de l'idylle entre la cantatrice et le riche armateur. On retrouve plus loin un autre cliché de dix ans après, à Paris, réfugiée sur le balcon de son appartement de l'avenue Georges-Mandel, tentant d'oublier son amant. Son manque de racines qui l'a contraint à toujours voyager, son envie d'enfant pour ne plus être seule, son rapport conflictuel avec sa mère se dévoilent par petites touches bien réparties tout au long du parcours.

La dernière approche de cette exposition correspond aux apparitions publiques de la cantatrice. Entre la première du ballet Paradis perdu de Roland Petit à l'Opéra Garnier le 13 octobre 1967 et un repas chez Maxim's avec son époux Giovanni Battista Meneghini, la force et le magnétisme caractérisent toujours la diva.

Maria by Callas à La Seine Musicale

Faire raconter Maria par la Callas, tel est le prisme choisi par Tom Volf, à travers un parcours sensible et intime de 800 m² rythmé par de nombreuses archives inédites dans le cadre de la première exposition organisée par la Seine Musicale depuis son ouverture.

Si la muséographie reste classique, chronologique et peuplée de disques, de colifichets portés par la cantatrice et de reconstitutions de son espace de vie, on est frappé par l'utilisation très originale qui est faite des enregistrements audio qui procurent une intimité immédiate avec l'artiste. Guidés par sa voix parlée, les visiteurs sont invités à pénétrer sans autre méditation dans un univers empreint d'exigence, de solitude et surtout d'une soif d'absolu qui aura été le vecteur d'une vie tragique, hors norme. Cette exposition se propose de laisser le visiteur seul avec Maria ou seul avec la Callas, expérience totalement bouleversante quelle que soit l'approche que l'on peut en avoir.

Ce qui fait la richesse de cette exposition, c'est notamment le caractère inédit de nombreux enregistrements, que ce soit des interviews ou des captations live sur scène qui laissent entrevoir la richesse et la densité des interprétations de cette artiste qui aura en une dizaine d'année révolutionné l'approche du chant lyrique. Le visiteur oscille ainsi entre des images publiques et privées, mettant en valeur les différentes facettes de l'artiste. Les images de plateau prises sur le vif témoignent de l'engagement scénique de l'artiste alors que les lettres intimes dessinent le portrait d'une amoureuse sans limites. Les interviews montrent enfin une femme sensible et grande théoricienne quand les vidéos privées tournées sur le bateau d'Onassis laissent entrevoir une éternelle jeune fille en quête d'une légèreté qu'elle n'aura finalement jamais eu. Il faut enfin signaler une salle à 360° permettant d'assister aux concerts de Londres et Paris et d'entendre la soprano avec une qualité de son optimale.

Sempre Libera à l'Institut culturel italien, ou la diva en son temple

La Scala de Milan a été à la fois un acteur et un témoin privilégié de la gloire de Maria Callas qui y régna pendant 10 ans, de décembre 1951 à juin 1962.

L'Institut culturel italien, en collaboration avec l'Accademia del Teatro alla Scala, a retracé cette histoire unique dans les annales de l'opéra ; celle d'une relation entre une salle et une cantatrice à travers une série de superbes photographies en noir et blanc associées à cinq de ses plus beaux costumes de scène (Iphigénie en Taurine, Anna Bolena, la Somnambula, Traviata et Don Carlos). Ces costumes ont été reconstitués par les élèves du cours pour couturiers du spectacle de l'école de la Scala (les vrais costumes ne pouvant quitter les placards de l'institution milanaise). Il est frappant de voir l'évolution physique de la diva à travers ces clichés qui sont également des témoins privilégiés de la beauté et de la grande présence, indiscutable, de la soprano.

Rien ne manque au portrait scénique de la Callas : on y admire les grandes Norma de 1952, les Anna Bolena et Il Pirata de 1957 et 1958 et surtout, la collaboration avec Luchino Visconti pour la Somnambula et la légendaire Traviata de 1955 dont le Sempre Libera sert de titre à une exposition qui a fait resurgir la décennie où l'art lyrique s'est trouvé révolutionné par une soprano d'origine grecque que personne n'attendait.

Ces différentes manifestations permettent de mieux percevoir le travail et les sacrifices de cette artiste majeure du XXe siècle. Une simple femme ? Un mythe ? Un bouleversement, c'est certain.

Crédits photographiques : Image de une © Fonds de dotation Maria Callas ; Maria Callas en essayage © Claude Azoulay /Paris Match ; Exposition Maria by Callas © La Seine Musicale ; Les cinq costumes de l'exposition de l'Institut Culturel Italien © Teatro alla Scala

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