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Kate Lindsey et Baptiste Trotignon, au croisement du jazz et du classique

Programme panaché pour une exploration des compositeurs transatlantiques les plus marquants de la première moitié du XXe siècle. Mariage réussi de deux interprètes venus l'un du jazz, l'autre du classique. Le cross over dans ce qu'il a de meilleur.

Le programme figurant sur ce CD réalise un très beau croisement entre plusieurs univers, celui de l'Europe et de l'Amérique des premières décennies du XXe siècle, celui de la culture dite « savante » et de la culture dite « populaire », celui du jazz et du classique. Avec Weill, Korngold, Zemlinsky et , il rassemble quatre figures essentielles de notre culture qui toutes ont démarré leur vie dans la Mitteleuropa de la fin du XIXe siècle pour la finir aux États-Unis. L'accompagnement et les arrangements pianistiques de , toujours d'un goût très sûr même s'ils demeurent extrêmement libres, tissent des liens insoupçonnés entre les lieder plutôt traditionnels de Korngold, Zemlinsky et et les compositions de , à la limite du classique, du jazz, du cabaret et de la comédie musicale de Broadway. Les improvisations du piano soulignent le côté jazzy inhérent à de telles œuvres, comme par exemple « Thousand of miles » extrait de la comédie Lost in the Stars, auquel ce bel album emprunte son titre. Le bilinguisme assumé du programme, parfois déroutant lorsqu'on entend l'air de Polly « Jenny-des-corsaires » du Dreigröschenoper chanté dans sa version anglaise et non sur le texte original de Brecht, contribue à l'aventure que constitue ce voyage intercontinental auquel nous convient les deux interprètes.

L'entente entre , mezzo-soprano venu du classique, et Baptise Trotignon, pianiste spécialisé dans le jazz, est totale. À la coloration quasi idéale de l'une correspondent les improvisations raffinées de l'autre. Autant à l'aise dans son anglais natal que dans la gouaille allemande des chansons de Brecht, en passant par l'excellent français de « Je ne t'aime pas », la cantatrice américaine impose son style et sa science vocale. Le « Denn wie man sich bettet, so liegt man », extrait de Grandeur et décadence de la ville de Mahagony et autrefois immortalisé par , vous donnera la chair de poule. Le pianiste aux petits soins brille autant dans l'accompagnement des lieder classiques que dans ses délicates improvisations. Vive le cross over intelligent !

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