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Yuja Wang et le Mahler Chamber Orchestra à Aix en Provence

Le Grand Théâtre de Provence accueillait pour la première fois la pianiste , aux côtés du Chamber Mahler Orchestra. C'était l'occasion d'entendre une jeune artiste qui séduit les foules aux quatre coins de la planète, dans un répertoire éclectique et articulé autour de .

L'ouverture de Don Giovanni de Mozart ne laisse planer aucun doute sur l'homogénéité des cordes mais cette interprétation ne retient pas nos sens. Malgré une approche incisive, l'ensemble force le trait lourdement dès que cela dépasse le mezzo forte. Il faut tendre l'oreille pour distinguer la ligne mélodique des voix intermédiaires, trop discrètes pour insuffler une part de gravité au texte.

Dans le Concerto pour piano n° 2 de Beethoven, l'orchestre est finalement plus en vue que le piano notamment dans l'Allegro. L'acoustique sèche des lieux limite la projection sonore surtout avec la position « chambriste » du piano permettant à la soliste, assise de dos face au public, de diriger du clavier. Sonorités rondes, lecture sensible et phrasé fluide : la pianiste ne manque pas d'arguments pour séduire, surtout côté technique avec une articulation précise, jamais raide et une main gauche très présente. Pourtant, la profondeur de la dramaturgie beethovénienne lui échappe. De nombreux traits restent uniformes et légers. Parmi les exemples probants, la cadence du premier mouvement et sa fugue. Sans nuances dans le phrasé, elle ne fait pas ressortir les différentes voix. L'Adagio est davantage réussi avec une soliste qui s'installe au centre des débats. Dès les premières mesures, l'émotion est palpable et réunit les musiciens dans un même souffle.

Après l'entracte, le Chamber Mahler Orchestra s'exprime davantage dans Pulcinella, suite écrite par Stravinsky. De style néo-classique, cette pièce colorée et facétieuse regroupe plusieurs morceaux notamment de Pergolèse et d'autres compositeurs italiens du XVIIIe siècle. Avec subtilité et originalité, le compositeur a su allier musique moderne et musique du passé. La portée descriptive des différents tableaux, sa richesse rythmique et harmonique, ses lignes instrumentales inhabituelles (dont celles du le basson qui converse à merveille avec la flûte) sont autant d'éléments qui permettent à cette interprétation de briller.

Retour à Beethoven avec son Concerto n° 1. L'orchestre suit avec précision les intentions de la pianiste mais sans révéler une pâte sonore qui rendrait cette version enivrante. Les accents côté piano sont plus heurtés qu'accentués au début du premier mouvement. De même, l'entame du Rondo, davantage virtuose que jubilatoire, est un brin confuse. Toutefois, retrouve du mordant. Faisant davantage corps avec son instrument, elle gagne en densité dans son phrasé. Dans l'Allegro, sa splendide vélocité éclaire une cadence personnelle qui sort du cadre, à cheval entre deux époques bien distinctes. Reste le Largo, touchant de simplicité et empreint de l'amour universel qu'on retrouve dans la Symphonie n° 9.

Séduit, le public réserve une belle ovation aux musiciens. offre deux bis. Tout d'abord, un énergique arrangement de la Marche Turque de Mozart. L'artiste libère une maestria digitale sidérante à tel point qu'elle semble débuter un nouveau concert. Puis vient la Mélodie tirée d'Orfeo ed Euridice de Christoph Willibald Gluck, pénétrante d'intériorité dans une version dénuée de tout sentimentalisme.

Crédit photographique : © Paavo Korhonen

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