- ResMusica - https://www.resmusica.com -

La Maîtrise de Radio France mise en voix par Benjamin Dupé

Dans le cadre de son festival Mesure pour Mesure, le Nouveau Théâtre de Montreuil met à l'affiche l'opéra de Du chœur à l'ouvrage créé en mai dernier au Théâtre de Caen qui en est le commanditaire.

Un ouvrage fort bien nommé, qui met en scène les enfants du site de Bondy de la que l'on voit à l'œuvre, tant dans leur formation de musicien que dans leur rapport au monde. Ils sont trente-cinq sur le plateau, en phase avec les dix musiciens de la fosse, ceux de L'Instant Donné : tous dirigés par Morgan Jourdain, chef titulaire de la Maîtrise. Il a d'ailleurs mis son chapeau de pluie pour éviter les embruns car tout commence par un naufrage, celui du bateau conduisant le jeune chœur à son concert de Noël. C'est l'idée (un rien sensible de nos jours) de Marie Desplechin qui écrit le livret de l'opéra : livrés à eux-mêmes car les chefs se sont noyés, les enfants prennent la parole et donnent de la voix, face à l'autorité, à l'exigence à laquelle ils sont soumis, à leur vie de maitrisiens et aux passages douloureux (la mue du jeune sopraniste) : autant de problématiques, certes toujours d'actualité, mais traitées de façon très abrupte, sans grande finesse ni imagination, donnant lieu à divers tableaux dont l'enchaînement s'avère parfois difficile. Dommage, car les enfants sur la scène ne déçoivent pas, bien conduits par le compositeur qui assure aussi la mise en scène. Mis à part quelques accessoires et la cahute en bois sur pilotis – celle d'Olivier Thomas qui servira le rituel final – le plateau pratiquement vide autorise la fluidité des mouvements scéniques.

Côté voix, le chant choral est pratiquement absent de la partition, Dupé s'attachant davantage aux individualités. Et c'est en solo, ou en petit ensemble, qu'interviennent le plus souvent les voix – le pinson est truculent – joliment incarnées par nos jeunes pousses. L'écriture y est stylisée, joueuse, évoquant plus d'une fois la manière de Ravel dans L'enfant et les sortilèges... l'art de la prosodie en moins, car on ne comprend pas toujours ce qui se dit, que les voix soient parlées ou chantées d'ailleurs. Il est vrai que l'on peut lire le texte qui s'affiche en fond de scène.

Ce que réussit beaucoup mieux est cette interaction vivante et agissante entre les musiciens et les enfants. L'écriture instrumentale est pensée par gestes sonores, en alternance avec les voix qui peuvent évoluer librement. L'attention aux couleurs évocatrices (les galets entrechoqués par les jeunes chanteurs), le rôle de la percussion et du piano (merveilleux et coiffés de casques à plumes) créent un environnement sonore à la fois économe et sensible qui colle à la dramaturgie. Les moments non dirigés cristallisent de beaux instants poétiques. La « musique d'étirement » durant la séance d'échauffement du chœur est en soi plus subtile que ce qui se passe sur scène, tout comme ce très beau solo de violoncelle de Nicolas Carpentier qui nous fait accéder au rêve.

Du cœur à l'ouvrage, les musiciens de L'Instant donné et Morgan Jourdain en ont assurément, pour soutenir les voix, galvaniser les énergies et raviver les couleurs d'un scénario qui nous a paru bien pâle et peu innovant.

Crédit photographique : © Christophe Raynaud

(Visited 585 times, 1 visits today)