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Kaléidoscope de la création musicale en France par le CDMC

Le (CDMC) fête ses quarante ans. À cette occasion, il publie un état des lieux d'aujourd'hui de la création musicale en France qui donne la parole à ses acteurs, dans toute leur diversité.

Issu d'un partenariat entre la SACEM, le ministère de la culture et Radio France en 1977, le CDMC a pour mission de favoriser la création des œuvres de création contemporaine musicale produites ou diffusées en France, notamment par la constitution d'un large catalogue. Il remplit également une fonction essentielle de plaque tournante entre l'ensemble des acteurs et de promotion des compositeurs : c'est une « maison des compositeurs ». Enfin, le CDMC revendique une posture de neutralité, à l'écart des logiques de chapelles (les « Ircamiens » et « Géérémiens » peints avec humour par Benoît Thierbergien).

Fort de cette expérience, le Centre de documentation propose un ouvrage de forme délibérément composite reflétant l'hétérogénéité du paysage de la création française et des points de vue. Cinq textes introductifs sur les spécificités de la création en France sont suivis de quatre-vingt-dix courts textes de compositeurs français et étrangers (ces derniers représentant la moitié des compositeurs signalés par le CDMC), interprètes, programmateurs, directeurs d'institutions, de festivals ou d'ensemble instrumentaux, éditeurs, journalistes ou critiques, musicologues, tant il est vrai que la création est le fruit de relations entre des disciplines et des métiers variés. Enfin, des focus sur des compositrices marquantes de notre siècle émaillent le livre : entretiens avec Pascale Criton, Betsy Jolas, Claire-Mélanie Sinnhuber et portraits d'Edith Canat de Chizy, Eliane Radigue, et Kaija Saariaho mettent ces femmes en avant, dans cet univers majoritairement masculin à l'image de la création artistique en général.

Les textes introductifs font ressortir certains constats pessimistes ou mitigés : Fabien Lévy déplore une muséalisation de la musique savante, des logiques institutionnelles qui limitent l'innovation, et considère la musique contemporaine comme « expérimentale », rejoignant certains constats d'Harry Lehmann dans La Révolution digitale dans la musique ; Henry Fourès décrit le « paradoxe français » d'une formation de très bonne qualité mais dont ressortent peu de compositeurs français. Les auteurs reviennent également sur l'histoire du CDMC depuis sa mise en œuvre par Marianne Lyon et sur ses enjeux présents, notamment la nécessité de réaffirmer sa valeur ajoutée dans un contexte budgétaire contraint.

Mais l'apport du livre tient surtout dans ces récits, certes trop brefs pour entrer dans le détail, mais passionnants, surtout quand ils sont étayés d'exemples concrets : professeurs expliquant leur conception du métier ; compositeurs présentant leurs parcours, ou encore la place de l'électroacoustique dans leurs créations, les nouveaux formats et nouvelles formes de musique qu'ils proposent, leurs approches pour le moins variées d'un genre aussi traditionnel que l'opéra ; expériences de médiations auprès du public ; vécu des interprètes, souvent avides de relations avec les compositeurs ; programmateurs présentant leurs choix, dans une dialectique entre passé et présent… Les niveaux de paroles sont variés, les points de vue nécessairement hétéroclites, les acteurs plus ou moins ouverts et innovants. Sans prétention d'omniscience ni d'exhaustivité (on ne s'offusquera pas de ne pas trouver certains compositeurs célèbres), le livre suit plutôt une logique d'échantillonnage et doit être lu avec curiosité. Il répond à la mission pédagogique de l'institution et sera consulté utilement, en complément du dernier tome des Musiques savantes de Guillaume Kosmicki.

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