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Les claviers de la fin de l’Ancien Régime avec Aurélien Delage

À la Cité de la Musique, jouant sur quelques instruments à claviers du Musée, propose un programme consacré pour la plus grande partie à des compositeurs allemands de la deuxième moitié du XVIIIe siècle. Ce programme nous  permet de découvrir un étonnant pianoforte organisé.

Au milieu du XVIIIe siècle, fleurissent à Paris les salons privés qui attirent les musiciens de toute l'Europe et particulièrement de nombreux Allemands. La facture instrumentale est alors en plein essor et avide de nouveautés. Les clavecins subissent des transformations et des ajouts d'accessoires visant à leur donner une expressivité propre à concurrencer les pianoforte qui s'imposent partout. C'est le cas du grand clavecin Goujon du musée qui sera transformé par Swanen en 1784, multipliant les jeux actionnés par des genouillères. Les œuvres de , et proposées par illustrent parfaitement cette évolution du répertoire vers le style galant qui annonce les sonates de Mozart. Franz Beck, dont vient d'enregistrer la toute première parution discographique, est originaire de Mannheim et a fait une grande partie de sa carrière à Bordeaux, organiste de Saint-Seurin et auteur prolifique pour le clavecin et le pianoforte. Très influencés par l'opera seria italien, les compositeurs de cette époque rendent au clavier la virtuosité et la brillance qui s'accordent à l'esprit mondain des salons.

La découverte la plus intéressante de ce programme est celle du piano carré organisé construit par Erard en 1791 et récemment restauré par Quentin Blumenroeder. Il s'agit de la combinaison d'un pianoforte et d'un orgue positif dont les tuyaux prennent place dans le soubassement, deux instruments en un, que l'on peut jouer accouplés ou séparément. Ces instruments, décrits par le célèbre Dom Bedos, ont connu un véritable engouement dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle, et l'on sait que les filles de Louis XV possédaient chacune un piano organisé. Aujourd'hui, il ne reste plus que deux instruments de la sorte en état de marche dans le monde. Caractéristique des sonorités de l'époque, le jeu de tympanon sur le pianoforte qu'Aurélien Delage utilise pour exposer le célèbre thème d'Ah! vous dirai-je, maman, suivi des douze variations de Mozart permettant de faire entendre toutes les combinaisons de timbres possibles, est une parfaite illustration du « clavier orchestral ».

Une petite déception toutefois dans ce programme qui s'ouvre par deux pièces (Haendel et Telemann) jouées sur l'orgue Dupont de l'amphithéâtre : l'acoustique très sèche de la salle ne permet pas à cet instrument de donner sa pleine mesure, et le concerto de Telemann y fait pâle figure.

Crédit photographique : Piano carré organisé Érard n° 1987, Paris, 1791, E.995.15.1 © Jean-Marc Anglès

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