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À Lausanne, le kitch bienvenu du Chanteur de Mexico

Créé en 1951, joué plus de 1 000 fois alors, Le Chanteur de Mexico de devait son énorme succès à la présence électrique de Luis Mariano et de Dario Moreno, le premier pour sa voix exceptionnelle, le second pour son énergie débordante. Reprise en 2006, au Théâtre du Châtelet à Paris, cette production d' refait surface à l'Opéra de Lausanne pour les fêtes de fin d'années, à la joie délirante d'un public conquis par l'ambiance qui règne au sein de cette production.

Pourtant, les critères critiques d'aujourd'hui pourraient faire fine bouche au sujet de cette pantalonnade. En effet, l'intrigue de ce Chanteur de Mexico est bien mince et le livret ne permet que difficilement de suivre un déroulé logique de l'aventure de ce peintre en bâtiment devenu soudain la vedette du spectacle. Mais ne boudons pas notre plaisir de voir une scène où les protagonistes, les danseurs, le chœur s'éclatent. Parce que si la mayonnaise prend bien, c'est grâce à la présence des deux principaux protagonistes, le ténor (Vincent) et la « soprano-mezzo-contralto » (Eva/Tornada) et du ballet de la production du Teatro de la Zarzuela, déjà mis en place lors des représentations madrilènes d'octobre dernier. Ainsi dans ce spectacle, cette solide armature de base laisse une apparente liberté de mouvement et de jeu des protagonistes « locaux ». Chacun avec son talent.

À commencer par l'incroyable et irrésistible composition de la comédienne (Assistante du réalisateur) en vieille fille surexcitée, répétant à toute vitesse les mots du réalisateur, tout à coup s'arrêtant pour hurler un « Silence ! » péremptoire. Sans jamais surjouer, elle habite le personnage avec un comique dévastateur. (Votre serviteur reverrait ce spectacle encore et encore ne serait-ce que pour les seules interventions de cette artiste entièrement dévouée à son théâtre.) À noter encore, l'indescriptible et désopilant numéro de tambourin d'un danseur de la production que son excitation invétérée oblige deux aides à l'emporter hors de scène. De grands moments de théâtre.

On l'aura compris, on rit beaucoup dans cette production dont le metteur en scène favorise l'aspect kitch d'un Mexique caricatural. Les bouquets d'arums géants descendant des cintres, les sombreros démesurés coiffant les hommes, les robes rouges et oranges habillant les femmes participent à l'exotisme parodique.

Musicalement, on se plait à réentendre les chansons qui ont fait le triomphe de cette opérette. À commencer, bien sûr, par ces Mexico, Mexi….iiiiico !, Rossignol de mes amours et autre Quand on est deux amis qui ont fait la renommée du créateur du rôle, Luis Mariano (titres repris avec succès par Roberto Alagna). Le ténor (Vincent) n'a certes pas l'éclat vocal de son illustre prédécesseur mais, quand bien même sa diction française est souvent incompréhensible, il offre une prestation de très bonne facture quoique fragile. Une fragilité exacerbée dans les deux superbes cantilène Maïtechu et Je me souviendrai d'Acapulco. À l'opposé, l'expérimenté baryton (Bilou) assure une solide assise tant vocalement que théâtralement. Chez les dames, la soprano (Cricri) charme bien avec une voix qui doit encore s'affirmer. Quant à (Eva/Tornada), elle ne peut se ranger dans aucun critère vocal ou théâtral. Son entrée suffit à subjuguer. L'aisance triviale de sa démarche, son insolence, sa gouaille, son extravagance l'imposent immédiatement comme LE personnage de l'intrigue. Elle habite la scène de sa présence, faisant disparaître les autres protagonistes (sauf peut-être , qui même couchée par terre, soufflant le script de la scène, réussit à prendre la vedette et à énerver la diva si bien, qu'on ne sait pas si sa colère est réellement feinte !)

Si le Chœur de l'Opéra de Lausanne est brillant (à voir l'hilarante scène des soldats de Tornada en justaucorps bleus-azur !), l'orchestre Sinfonietta joue sans modulations ni couleurs sous la baguette du chef . Fort heureusement la discrétion sonore et la platitude musicale de cet ensemble disparaissent derrière les belles mélodies de , déjà influencées par les sonorités et les phrasés des musiques de la comédie américaine.

Crédit photographique : © Alan Humerose

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