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Cecilia Bartoli et Sol Gabetta, du duel au duo

Que l'on aime ou pas la diva italienne, chacun de ses disques thématiques, dont le programme est élaboré avec un soin musical recherché, est toujours un événement. Événement accompagné d'un système marketing parfaitement rodé où la sortie du disque est associée à une tournée de concerts européenne comme lors de son passage à Bruxelles.

Outre la photo de la jaquette d'un kitch assumé, évoquant la complicité de deux accortes lolitas sous le soleil napolitain, le programme musical, comportant quelques inédits, est des plus réjouissants. Si la virtuosité et la pyrotechnie vocale appellent l'Italie du XVIIIe siècle avec ses fameux duels entre voix et instrument, où les prouesses techniques étaient sans cesse repoussées, ce programme d'airs pour mezzo-soprano avec violoncelle obligé élargit l'espace géographique de Bologne (Gabrielli) à Naples (Porpora), en passant par Mantoue (Vivaldi), mais aussi à Barcelone (Albinoni), Vienne (Caldara), jusqu'à Londres (Hændel). Ces arias superbes convoquent aussi les grands librettistes de l'époque : Métastase, Apostolo Zeno ou Pietro Parati. Fidèle à sa pratique de découverte, intègre des inédits enregistrés en première mondiale : les deux airs de Caldara et celui de Porpora.

Sur le visuel du disque, comme dans la tournée européenne, les deux divas jouent d'une volonté de gémellité, montrant une grande complicité et une parfaite complémentarité entre la voix de et le violoncelle de . Le duel annoncé s'avère en effet des plus doux, les deux voix s'y entremêlent avec finesse et subtilité. Il s'agit d'un véritable et charmant duo où jamais la Bartoli ne tire la couverture à elle. Les vocalises qu'elle affectionne sont exécutées ici naturellement et selon une grande délicatesse. Le lamento initial de la reine d'Égypte Nitocris par Caldara, qui dure quelques dix minutes, s'achève dans un souffle sur le fil de la voix. L'alternance entre les airs rapides et doux paraît moins systématique qu'à l'accoutumée dans ce genre de récital.

Le concerto de Boccherini, qui referme le disque, équilibre le programme. , dont on apprécie par dessus tout la sonorité chaleureuse, donne libre court à son expressivité selon une virtuosité intérieure dans un parcours sentimental et émotionnel. Elle n'en est pas à son premier duo. On se souvient d'une rencontre solaire avec Hélène Grimaud dans des pièces de Schumann, Brahms, Debussy, Chostakovitch et aussi autour de l'œuvre pour violoncelle et piano de Chopin avec Bertrand Chamayou.

Enfin, l'ensemble instrumental , finement dirigé par Andrès Gabetta, le frère de Sol, apparaît comme un troisième personnage, donnant la mesure, tout en sobriété.

Ce disque d'une durée généreuse paraît toutefois presque court tant il s'écoute avec plaisir et se déguste comme une glace italienne.

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