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Filarmonica della Scala-Milan à Paris, Riccardo Chailly en majesté

Encore un superbe concert à mettre à l'actif de , cette fois à la tête de son nouvel Orchestre philharmonique de la Scala de Milan. Pour le chef milanais, les phalanges se suivent, mais l'excellence perdure sous sa baguette fougueuse et inspirée.

On se souvient tous de ses dernières interprétations, marquées du sceau de l'évidence et de la complicité, avec l'Orchestre du Gewandhaus de Leipzig, en ce même lieu, en 2015, dans une intégrale des poèmes symphoniques de . C'est, ce soir, avec la -Milan, dont il est le nouveau directeur musical, qu'il se présente devant le public parisien dans un programme (d'orchestre et de chef !) prochainement repris à Lucerne, convoquant Tchaïkovski, Chostakovitch et Strauss où la qualité orchestrale le dispute à la pertinence de la direction.

Une direction d'orchestre dont on a pu, encore une fois, apprécier toute la fougue et la justesse, capable de transcender la masse orchestrale en recrutant immédiatement l'entière adhésion des musiciens. Une direction qui sait modeler, aérer la pâte sonore pour en faire ressortir toutes les nuances. La progression est dynamique, équilibrée, claire dans les contre-chants, subtile dans les enchaînements, parfaitement menée dans les crescendos. On savoir l'agilité rythmique, l'art de l'impulsion et de la relance, au service d'un phrasé toujours juste, lui-même porté par le souffle d'une vision éloquente, riche en couleurs.

La Symphonie n° 2 de Tchaïkovski occupe à elle seule toute la première partie. Une œuvre rarement jouée en concert, composée en Ukraine et bâtie sur nombre de motifs folkloriques, d'où son surnom « Petite Russie ». Elle se déroule en quatre mouvements tout imprégnés de joie, dans un climat volontiers rustique, tour à tour mystérieux (cor et basson), lyrique, dansant (petite harmonie) ou envoûtant (ostinato de cordes) et enfin solennel (cuivres), dont le chef milanais parvient à rendre les différentes couleurs, sans pathos ni mièvrerie. Seul le deuxième mouvement paraît un peu plat.

Climat bien dissemblable, et chefs de pupitres de vents différents, pour la Suite tirée de Lady Macbeth de Mtsenk où Chostakovitch, ne retenant que certains interludes musicaux significatifs, parvient à exprimer toute sa hargne, après le rappel à l'ordre de Staline, usant de timbres grinçants (petite clarinette), de force cuivres (trompette) et percussions. Une suite orchestrale qui fut créée en 2005 seulement par Andreï Boreyko, dont donne ce soir une vision captivante de bout en bout, très expressionniste, au phrasé abrupt et chargé d'urgence, oscillant entre violence, drame et burlesque.

Petrouchka de Stravinski conclut ce magnifique concert sur une interprétation très colorée et narrative. où la continuité et l'expressivité du discours, bien différente de celle prodiguée récemment par Simon Rattle et le LSO, permet de juger de l'impressionnante plasticité orchestrale qui fait passer l'auditeur du rire aux larmes, en s'appuyant sur une dynamique toujours très tendue qui annonce Le Sacre et sur une mise en place claire qui rend facilement audibles tous les timbres seuls ou appariés (harpe, célesta, piano, flûte, cor anglais, trompette et percussions) dans une orchestration d'une exceptionnelle richesse.

Si la -Milan ne bénéficie pas de la même aura que le Gewandhaus de Leipzig, la direction de Chailly sait ce soir, le temps d'un superbe concert, la hisser au niveau des plus grandes phalanges. En bis l'Ouverture de la Pie Voleuse de Rossini parachève le succès de l'orchestre et de son chef.

Crédit photographique : © Gert Mothes

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