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Les Curious Bards, jeunes bardes des temps modernes

Minutieux tout autant qu'engagé, fort d'une interprétation historique tout autant que moderne, le premier disque de l'ensemble baroque est d'une fraicheur réjouissante de bout en bout.

Qu'il est difficile d'arriver à la fin de cet enregistrement ! Chaque plage est une découverte si exaltante, qu'on espère que celles-ci n'aient pas de fin. C'est donc en réécoutant à multiples reprises et avec tout autant de gourmandise chaque « set », « duel », et autre « Highland battle », que l'on se résout à continuer ce chemin en terres gaélique et celte. Pour notre plus grand plaisir néanmoins, la programmation concoctée dans cet enregistrement se renouvelle sans cesse, notamment grâce à la voix de mezzo-soprano de l'artiste invitée . On retrouve de ce fait les résonances presque mystiques de « slow airs », musiques instrumentales particulièrement mélodiques, entremêlées à des airs de danse plus entraînants.

Parmi les 6 000 « tunes » (mélodies) connues aujourd'hui, l'ensemble choisit principalement des « jig » (du français « gigue ») et des « reel » identifiables par une unité rythmique qui leur est propre (en 6/8 ou 12/8 pour la première, à 2/2 pour la seconde), tout autant par le jeu de questions-réponses entre les instruments et l'aspect diatonique caractéristique de ce répertoire. Il ne faut pas se fier à la pochette du CD, ce sont bien cinq jeunes instrumentistes qui donnent toute la fougue et l'énergie nécessaire pour rendre intemporelle cette musique d'un autre âge : avec un violon de Jean-Nicolas Lambert de 1760, avec un cistre irlandais de Frank Tate (2016) d'après un modèle de William Gibson (1772), avec une viole de gambe d'Arnaud Giral (2014) d'après un modèle de Michel Colichon (1693), avec une harpe triple baroque de Claude Bioley (2004) pour le continuo, et enfin, , au commande d'une flûte traversière de Jean-Jacques Melzer d'après un modèle de I.H. Rottenburgh (c. 1730) et du tin whistle (flûte typiquement irlandaise). Ce recensement n'est pas anodin, il démontre bel et bien un travail de recherches musicologique et historique suffisamment poussé pour défendre une interprétation pleine de sens et de diversité, minutieuse et engagée dans chaque ornementation, chaque rythmique, chaque articulation. « Une articulation rythmique qui nous mène ensemble vers un même chemin, un même phrasé pour une flexibilité commune et un savoir jouer ensemble » affirme lui-même dans le livret.

Il est étonnant que cette musique profane populaire qui plonge ses racines étrangères dans des couches profondes de l'Histoire, principalement dans ce disque du XVIIIe et plus périodiquement du XIXe siècle, puisse être aussi moderne et immédiate. Et cela même si l'auditeur est éloigné de cette culture locale, alors qu'en Irlande ou en Écosse, celle-ci fait bien partie intégrante du quotidien de la population. Il est pourtant vrai que les rythmes et caractéristiques de toute musique traditionnelle résultent de pratiques anciennes et se perpétuent vaille que vaille, loin des courants et des modes, mais avec , c'est bien un formidable vent de fraicheur et de jeunesse qui souffle en terre gaélique et celte.

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