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À Lausanne, La Sonnambula portable d’Olga Peretyatko

Une salle comble pour recevoir , l'une des artistes parmi les plus emblématiques de l'Opéra de Lausanne qui, après La Traviata de Verdi en février 2015, Otello de Rossini en 2010, L'Elisir d'Amore de Donizetti en 2012 privilégie cette maison pour créer les rôles qu'elle chantera sur de plus vastes scènes.

C'est ainsi qu'aujourd'hui, la soprano russe s'offre à sa création d'Amina, personnage central de La Sonnambula de . Alors que ses précédentes créations étaient scéniques, celle-ci est concertante. Enfin, presque, parce que dès les premières mesures de la courte ouverture, le chœur entre en scène costumé. En armaillis. Alors, on s'intéresse un peu plus à la scène. En son milieu trône un grand lit aux bords duquel va se dérouler la majeure partie de l'intrigue. Les personnages (costumés eux aussi) entrent, se toisent, se regardent, sortent. Alors… ? L'impression qu'on a voulu mettre en scène et puis, on a abandonné l'idée sans toutefois revenir au concert stricto sensu.

Qu'a-t-il bien pu se passer ? Difficile d'en dénicher les raisons. Parce qu'enfin, si le décor se limite à ce grand lit, à un fond de scène plaqué d'images floues de paysages et à quelques projections vidéo sur un rideau de gaze, il n'en faut guère plus aujourd'hui pour suggérer des intrigues. À plus forte raison celle qui préside à La Sonnambula et son cortège d'invraisemblances.

Ainsi va le questionnement jusqu'à l'entrée des premiers protagonistes. Ils ont en main les cahiers de la partition. Allons bon ! c'est donc une répétition qu'on veut montrer. La soprano (Amina), elle, la prima donna, tient une tablette. Au fur et à mesure de l'action, les autres abandonnent les cahiers. Seuls demeure la diva et sa tablette. Un Graal qu'elle n'abandonne jamais, le consultant, le scrutant, le fixant continuellement, lui portant une attention de tous les instants, lui tournant les pages d'un doigt habile, prenant garde de ne pas faire de fausses manœuvres digitales qui pourraient la porter hors des mesures de l'orchestre, quitte à chantonner joliment plutôt qu'à s'investir.

Alors, disons notre incompréhension mêlée d'irritation. Madame Peretyatko, quelle est cette prise de rôle ? Comment pouvez-vous vous présenter devant le public aussi mal préparée et vous prévaloir de la gloire que vous avez jusqu'ici accumulée avec vos indéniables et mérités succès ? Comment pouvez-vous ainsi dédaigner des spectateurs acquis à votre talent, à votre charisme ? Quel contrat d'artiste avez-vous signé avec l'Opéra de Lausanne et l'auditoire sinon celui d'une prise de rôle, donc d'une évidente prise de risque ? Pensiez-vous que vos minauderies et votre joli chant sans génie seraient assez bons pour le public lausannois ? Le croyiez-vous moins méritoire que celui de Paris, de Rome, de Londres ou de New-York ? Dommage.

Dans une étrange et peu convaincante géographie, le fond de scène est occupé par l'orchestre alors que le chœur (très en forme) et les solistes s'agitent sur le devant. La discrétion sonore de l' déséquilibre l'écoute depuis la salle, sans parler de la difficulté du chef à entraîner protagonistes et choristes dans le dynamisme de sa direction.

Du côté des solistes, la joliesse du chant d' nuit à la théâtralité du propos et, partant, à l'expressivité voulue ou non des autres protagonistes. À commencer par le ténor (Elvino) qui, quoique chantant le rôle depuis bientôt vingt ans (ou peut-être à cause de cela !), ne trouve plus ni le délié belcantiste ni la modulation que cette partition exige. Il chante presque constamment en force pour atteindre des aigus qui, pour vaillants qu'ils soient, tombent trop souvent à côté du propos musical. Avec une Amina vocalement plus présente, le ténor italien n'aurait pas essuyé ces quelques malheureuses et douloureuses remarques du public. Lorsqu'il a pour antagoniste la soprano (Lisa), magnifique d'autorité et de préparation (une artiste qui confirme l'excellente impression qu'elle avait donnée lors de l'Orlando Paladino de Joseph Haydn à Fribourg en décembre 2016), l'équilibre vocal redevient parfait.

La basse (Il conte Rodolfo) tirerait bénéfice à alléger son impressionnante voix pour incarner le séducteur plutôt que se camper en Grand Inquisiteur. Pour son compte, la mezzo soprano (Teresa) convainc malgré un rôle ingrat.

Crédit photographique : © Alan Humerose

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