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Tours fête Gounod avec Philémon et Baucis

Pour célébrer l'anniversaire Gounod, l'Opéra de Tours a choisi de sortir des sentiers battus en proposant le rare Philémon et Baucis, opéra-comique créé le 18 février 1860 au Théâtre-Lyrique. S'il ne s'agit bien évidemment pas du chef-d'œuvre du compositeur, l'ouvrage séduit par son inspiration mélodique et son habileté instrumentale.

La patte de Gounod est en effet indiscutable et, dans les duos amoureux, on entend déjà Roméo et Juliette qui sera donné sept ans plus tard. On réalise rapidement combien le cadre mythologique est accessoire dans un ouvrage oscillant en permanence entre comique et sentiment. Les dialogues ont été actualisés avec – c'était trop tentant – moult références à l'actualité et en particulier au président jupitérien qui font parfois mouche (Il n'est pas sorti de l'Etna ou #BalanceTonDieu) mais peuvent à la longue laisser une impression d'excès. Le jeune metteur en scène suisse Julien Ostini signe une réalisation d'une inventivité permanente qui s'appuie sur une direction d'acteurs extrêmement précise.

Au premier acte, la modeste demeure de Philémon et Baucis est évoquée par un foyer rougeoyant, quelques accessoires et des panneaux suspendus qui entrent en mouvement pour évoquer la tempête. D'entrée, nous apprécions la diction des chanteurs, toujours intelligibles à l'exception parfois de . Jupiter fait son apparition en majesté dans un complet bleu roi, flanqué d'un Vulcain difforme et claudiquant. Celui-ci est campé par Eric Martin-Bonnet qui nous livre une incarnation scénique savoureuse et tire le meilleur parti de son air Au bruit des lourds marteaux. use quant à lui de sa stature physique et de son instrument sonore et homogène pour camper un dieu infatué tout d'une pièce sauf lorsqu'il détaille délicatement la berceuse Que les songes heureux.

a fait le choix de revenir à la partition originale et non à la version réduite à deux actes donnée ultérieurement à l'Opéra-Comique. Nous entendons donc un deuxième acte consacré aux chœurs qui débute avec un délicat chant nocturne qui précède une séduisante bacchanale remarquablement chorégraphiée par Elodie Vella pour quatre danseurs qui se mêlent à des choristes dirigés au millimètre. nous livre un numéro revendicatif digne de celui naguère de François Morel dans les Brigands mis en scène par Jérôme Deschamps, avant d'imposer un frais soprano à l'aigu efficace.


Le troisième acte, qui se déroule dans un décor plus abstrait, est tout à l'avantage de la délicieuse et séduisante qui tire le meilleur parti du fameux O riante nature – taillé à la mesure de la grande – avec un timbre cristallin et une incontestable virtuosité. Impeccable stylistiquement, ne possède pas tout à fait la même séduction vocale dans un rôle qui offre il est vrai peu d'occasions de se mettre en valeur, mais il est impeccable dans les duos. sert la partition avec conviction et veille à l'équilibre de la représentation, à la tête de forces orchestrales et chorales parfaitement disciplinées et généreuses de sonorités. Il est le maître d'œuvre d'une production en tous points réjouissante, longuement saluée par le public tourangeau.

Crédits photographiques : (Baucis) Eric Martin-Bonnet (Vulcain) & (Philémon) © Marie Petry

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