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Une soirée avec Frédéric Chopin et Auguste Franchomme

De l'amitié profonde qui liait et le violoncelliste sont nées quelques pièces pour violoncelle et piano. et les mettent à l'honneur sur les instruments de la Cité de la Musique dans le cadre des concerts « un salon au temps de… ».

Le piano à queue choisi est un Pleyel de 1842, dont la restauration a permis de conserver les cordes harmoniques et les marteaux d'origine. Il serait proche de celui utilisé par Chopin à cette époque, sachant toutefois que le compositeur utilisait une grand variété de Pleyel, notamment prêtés périodiquement par la firme. À ses côtés se trouve un violoncelle datant de 1840, pour lequel le facteur Charles-François Gand inventa un nouveau modèle de table d'harmonie en trois parties (la partie centrale sous le chevalet étant mise en forme à chaud et non sculptée).

À la première impression laissée par la beauté muséale des instruments succède la curiosité de leur sonorité particulière. Dès le début, le velouté du piano, en partie dû à la garniture en peau des marteaux, séduit. Intimiste dans les registres médians, ses basses ressortent bien, tandis que certains aigus paraissent un peu criards. adopte un toucher présent, mais sans éclat, sans excès de poids du corps et des bras, tout en souplesse du poignet et de l'articulation. Elle adapte son jeu à l'instrument avec une finesse dont elle a déjà fait preuve sur Erard. Les qualités du violoncelle sont plus fluctuantes, avec une sonorité et une justesse un peu décevantes dans les morceaux de bravoure notamment, mais un son profond et chaud dans certains passages cantabile. , fort de sa grande expérience sur instruments anciens, parvient néanmoins à faire sortir tout une variété de couleurs de l'instrument.

Œuvre de jeunesse dédiée au prince Radziwiłł, l'Introduction et Polonaise brillante annonce les futures polonaises du répertoire pianistique de Chopin. Le choix instrumental ne favorise pas le côté brillant et héroïque auquel nos oreilles sont habituées pour ce genre. En revanche, il permet un très bel équilibre entre les instruments et entre les voix. Le piano peut se faire effacé et doux, laissant chanter le violoncelle dans la partie centrale, entre deux moments enlevés et rythmés de la polonaise. Cet équilibre entre les registres, ce cantabile magnifique du violoncelle se retrouvent ensuite dans la partie centrale de la Sérénade de Franchomme. Moment de grâce au milieu d'une œuvre de virtuosité pour le violoncelle, maîtrisée par malgré quelques passages gênants (quelques crissements) et qui se termine sur un thème de polonaise entraînant.

Nouvel éloge de la virtuosité avec le Grand duo concertant sur des thèmes de Robert le Diable de Meyerbeer, sorte de pot-pourri assez libre, comme pouvait en composer Franchomme, un temps violoncelle solo au Théâtre-Italien. L'œuvre composée à quatre mains porte la marque du violoncelliste, avec ces traits difficiles dans les aigus (très bien maîtrisés), autant que de Chopin dont les motifs pianistiques émaillent l'accompagnement. Les instrumentistes nous offrent quelques moments jubilatoires, où leur entente et leur sens du dialogue s'expriment pleinement.

Le Nocturne op. 48 n°1 qui suit l'entracte est bienvenu. Pièce plus connue, elle donne l'occasion de mesurer et d'apprécier toute la particularité de ce Pleyel et de savourer l'instant. Le célèbre Nocturne y est tout de tension contenue jusqu'au dernier moment, sans dévoiler trop tôt ou avec trop de puissance le crescendo dramatique, comme le font de nombreux pianistes. Nous sommes presque frustrés de ne pas entendre plus longuement cette spécialiste de Chopin en solo.

Enfin, pièce majeure de ce concert, la Sonate pour violoncelle et piano clôt en beauté le programme. Composée en 1845-46, dédiée à Franchomme et jouée une seule fois en public par les deux compositeurs, elle révèle un style inattendu de Chopin, avec des transitions étonnantes, des mélodies peu familières et un texte foisonnant. L'entente entre et Christophe Coin anime tant le premier mouvement que le Scherzo et le flamboyant final, tandis que le Largo offre un moment de lyrisme avec un violoncelle à nouveau remarquable dans la conduite du phrasé et la sonorité.

Deux bis offrent un bel épilogue au concert : le Nocturne n°10 de Franchomme et la Valse en la mineur dans une version pour piano et violoncelle de la baronne de Rotschild. D'elle ou de Chopin, lequel est à l'origine de l'œuvre ? Un mystère non résolu.

Crédits photographiques : Akiko Ebi et Christophe Coin © Philharmonie de Paris ; Violoncelle Charles-François Gand dit Gand père (1787-1845), Paris 1840, E.968.8.39 © Jean-Claude Billing

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