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Pierre Bartholomée ou la fusion de l’ancien et du nouveau

Une nouveauté discographique en forme d'inventaire : cet enregistrement est aux trois quarts la réédition de ceux réalisés dans les années 1970 et 1980 par l' et l'ensemble Musique nouvelle, le compositeur ayant souhaité faire le point sur son travail. Résultat : trois enregistrements d'époque remastérisés, plus une pièce inédite écrite en 1974 et gravée en 2017.

« Évidence », le nom du label de ce beau CD, est le mot qui vient à l'esprit à l'écoute de la musique de , non seulement à cause de sa grande unité d'inspiration, mais aussi parce que le temps y épouse la forme musicale : pas de heurts, mais une série de mutations progressives et souples conduites par une idée fédératrice, ce qui donne le sentiment d'un geste à la fois naturel, nécessaire et apaisé. Sans doute également parce que le compositeur travaille (sur) la mémoire, ainsi des quatre œuvres réunies ici : Fancy as a Ground (1981, 19:10), basée sur l'ostinato (ground) des musiciens anglais de l'époque baroque ; Trois Pôles entrelacés (1985, 23:46) et Ricercar (1974, 9:10), qui tournent autour des formes polyphoniques anciennes ; et Harmonique (1970, 11:01), qui s'arrache à l'esthétique sérielle en passant du vertical à l'horizontal.

L'esthétique de Bartholomée repose sur trois piliers : une identité de timbre (la suavité est là), la constitution de motifs et une architectonique sensible, avec comme point commun la primauté de la perception. La composition balance entre un certain statisme et une progression opiniâtre, comme si la première note ou le premier accord autorisait le deuxième, et ainsi de suite. Cette musique qui avance et a beaucoup de caractère est irrésistible, par exemple Harmonique et son rythme, joyeux et endiablé. Remarquable aussi est une certaine sobriété d'ensemble. Ainsi, Fancy as a Ground, œuvre sensuelle encadrée par l'accord dissonant des vents, suit-elle « naturellement » un processus de variation, tout comme Trois Pôles entrelacés, qui resserre l'unité de ses cinq mouvements autour d'un matériau initial pauvre laissant libres les incursions.

Cet art est un artisanat, ce qui n'interdit ni la complexité ni le génie, mais suppose une grande proximité avec les interprètes. Ici, une haute virtuosité est requise. À souligner l'importance inhabituelle d'une harpe au jeu très véloce et aux attaques presque agressives (Francette Bartholomée) ainsi que la magnifique interprétation du quatuor de saxophones Blindman dans Ricercar, très précis rythmiquement et dans toutes ses intonations et nuances. Du bel ouvrage, au service d'une musique libre.

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