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L’Or du Rhin à la Philharmonie de Paris par Valery Gergiev

Depuis 2003, date de sa première interprétation scénique du Ring wagnérien à la tête des troupes du Mariinsky, ne cesse d'affirmer, sur scène comme au disque, ses affinités profondes pour le compositeur allemand. Son dernier passage à Paris, dans une Philharmonie comble pour une nouvelle intégrale du Ring en version de concert, confirme avec éclat sa maitrise du drame wagnérien, portée par une interprétation saisissante de L'Or du Rhin où la splendeur orchestrale le dispute à l'excellence de la distribution vocale.

Adepte des paris difficiles, , en s'appuyant sur les seules forces du Mariinsky (orchestre et troupe) dont il est directeur musical depuis 1988, remet une nouvelle fois sur le métier la tétralogie wagnérienne, en donnant cette fois l'intégralité du Ring en quatre concerts lors d'une tournée européenne, répartie en deux sessions : L'Or du Rhin et La Walkyrie en mars, Siegfried et Le Crépuscule des dieux en septembre prochain. Homogénéité et excellence garanties, car c'est bien à ces deux caractéristiques que répond la présente représentation.

Force est de reconnaitre, toutefois, que la version de concert touche, ici, aux limites de la forme, nécessitant de la part du spectateur, privé de tout support visuel, une connaissance approfondie du livret et un effort certain d'imagination de façon à profiter au mieux d'une partition d'une sidérante richesse où la musique se doit seule d'assumer la dramaturgie. Gageure osée s'il en est, mais défi totalement relevé tant connaît son Wagner sur le bout des doigts, capable de sublimer le pouvoir d'évocation de l'orchestre par sa direction d'une lumineuse clarté rendant immédiatement accessible les différents plans sonores et autres leitmotivs. C'est par un accord de mi bémol majeur que débute le prologue, musique du commencement, mais également commencement de la musique d'où vont émerger les remous des cordes pour donner forme au Rhin matriciel. On admire le formidable dynamisme impulsé par le chef russe, la rigueur de la mise en place, le phrasé très narratif, la richesse en couleurs et en timbres, la pertinence des nuances souvent volontairement accentuées, la variabilité des tempi passant de l'urgence à l'attente, ainsi que les performances solistiques (violoncelle solo d'Oleg Sendetsky) et la magnificence et la réactivité des différents pupitres (cordes graves, cuivres).

Les voix, quant à elles, ne sont pas en reste avec une distribution d'une rare homogénéité avec des filles du Rhin magnifiques (Zhanna Dombrovskaya, Irina Vasilieva, Yekaterina Sergeyeva), un Alberich () noir et intrigant à souhait qui donne toute sa mesure dans son duo avec Mime (Andrei Popov) ou lors de sa malédiction face à un Wotan () au timbre somptueux, au legato et aux aigus d'un charme irrésistible. tient également toutes ses promesses, scéniquement et vocalement, campant un Loge de référence. Oxana Shilova (Freia) impressionne par sa puissance et la beauté de son timbre lumineux tandis que le chant puissant d' (Fricka) est entaché d'un vibrato quelque peu gênant. Les géants Fafner et Fasolt ( et Vadim Kravets sont parfaitement convaincants. Seule (Erda) détonne dans cette magistrale distribution issue exclusivement de la troupe du Mariinsky, par sa tessiture de mezzo inadaptée au rôle, habituellement dévolu à un contralto.

Distribution vocale différente demain pour une Walkyrie très attendue. À suivre.

Crédit photographique : Valery Gergiev © Valentin Baranovsky/State Academic Mariinsky Theatre

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