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Danse d’avril au Théâtre de la Bastille

Temps fort consacré à la danse en avril au Théâtre de la Bastille, qui accueille, dans le cadre d'un partenariat, des chorégraphes également soutenus et présentés par l'Atelier de Paris-Carolyn Carlson : , et , . Un instantané de l'état de la danse aujourd'hui.

C'est un couple comme on n'en fait plus qu'au cinéma : complice et attentif, puis de plus en plus intense. Frédérick Graval et font preuve dans This duet that we've already done (so many times) d'une décontraction de prime abord, musique partagée sur l'Ipad, verre de bourbon dans un coin du studio, jean et tee-shirt. Pas de nonchalance cependant, la gestuelle est tendue, étirée, cabrée avec une intensité dans le regard et dans les intentions.

La densité physique des interprètes s'épaissit au fil des séquences, un duo en chaussures de ville (sandales à talon et santiags), puis l'élan plus sportif et athlétique d'un duo en baskets sur un répertoire plus rock, pour finir dans une dramaturgie parfaite, par un corps à corps étonnant, hollywoodien, d'une folle liberté. Des portés inédits sur le genou, des mains qui se tendent, dans le halo d'un projecteur. Un moment étonnant et concentré.

Autre atmosphère avec For Claude Shannon, le travail plus conceptuel et abstrait de et , dont la pièce s'articule chaque soir autour d'une nouvelle consigne. Pour ces danseurs délicats et rigoureux, l'aléatoire prend la forme de gestes sémaphoriques précis, intégrant un schéma de communication purement intellectuel. Vêtements nets, visages maquillés et cheveux coiffés, ils incarnent une certaine austérité. Exécutée dans le silence absolu, si ce n'est le son des pieds qui glissent sur le tapis de danse, cette partition chorégraphique millimétrée laisse d'abord un peu froid. C'est hypnotique, certes, mais au contraire du minimalisme américain ou belge, qui s'appuyait sur une partition musicale avec une générosité jubilatoire, la proposition austère de et s'offre nue – presque désincarnée.

Rythmée par le « ploc » d'un métronome, la boucle de mouvements se répète de plus en plus vite, jusqu'à en perdre le sens initial. À tel point que quand toute la structure se délite, se déglingue et que le mouvement devient fluide et syncopé, c'est un tout autre spectacle auquel on assiste, plus chaotique – moins contrôlé, mais aussi plus émouvant et sincère.

Enfin, dans un deuxième volet de ce programme de danse d'avril au Théâtre de la Bastille, présente Radical Light, une pièce pour cinq interprètes qu'il tourne encore en parallèle avec A Love Supreme, la reprise de sa pièce créée en 2005 avec . Le chorégraphe espagnol a en effet réalisé une grande partie de son parcours chorégraphique en Belgique depuis sa formation au sein de la première promotion de Parts, jusqu'à sa collaboration avec Rosas, en tant que danseur puis chorégraphe invité.

On retrouve en effet chez lui le sens de la spirale et du corps pivot autour duquel s'enroulent les épaules et l'ensemble des articulations, mais d'une manière d'abord plus saccadée, plus heurtée. Autre point commun entre et , la musicalité. La pièce s'appuie en effet sur une partition électronique de et qui, comme le Boléro de Ravel, ajoute au fur et à mesure de sa progression le son d'un nouvel instrument. La pulsatilité de cette musique sert le propos de Salva Sanchis qui lance ses danseurs dans une danse virtuose et savante, couplée aux figures classiques de la danse de club.

Plus rétréci que ses danseurs dans l'amplitude de ses mouvements, le chorégraphe leur laisse le champ libre sur le plateau, impulsant rythme et modernité. La présence d'un corps féminin apporte aussi de la légèreté à la proposition, dont la construction complexe et géométrique fascine et hypnotise une heure durant. Une performance tant intellectuelle que physique !

Crédit photographique : © Nans Bortuzzo, Julieta Cervantes, Bart Grietens

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