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Les Pêcheurs de perles de Bizet selon Alexandre Bloch

L'enregistrement studio des Pêcheurs de perles réalisé à Lille en 2017 par avec une belle distribution (, …) se distingue par son adaptation aux exigences stylistiques de l'art lyrique français.

Les Pêcheurs de perles de est l'une de ces pages opératiques qui, récemment, ont eu la chance de se faire entendre aussi bien en spectacle et en concert qu'au disque. Et si on reproche le manque d'impact dramatique à cette partition, en estimant que la construction des personnages – établie par les librettistes Eugène Cormon et Michel Carré – est dépourvue de profondeur psychologique, on y apprécie toute sa richesse mélodique et sa fluidité narrative. Comme l'observe Piotr Kamiński, « Les Pêcheurs de perles ont alarmé le goût des contemporains par leur originalité : un sujet tragique traité avec une remarquable légèreté de toucher, sans emphase, une action rapide qui ne s'encombre pas des longs ‘tableaux' chers au grand opéra, une orchestration limpide et raffinée, sans effets superflus, une atmosphère qu'on ne savait attacher à aucun ‘genre' défini » (Mille et un opéras, éd. Fayard).

Pour ce qui est de l'interprétation apportée dans cet album, enregistrée juste avant la séance donnée en mai 2017 par la même équipe au Théâtre des Champs-Élysées à Paris, focalisons-nous d'abord sur le plateau vocal. En premier lieu, chapeau bas à qui, en Leïla, ne manque pas de nous charmer par une projection aussi tendre que brillante et puissante, la colorature accompagnée d'une délicatesse du vibrato faisant penser au chant du rossignol, ainsi que par la technique exemplaire agrémentée par la perfection de l'articulation.

En outre, on salue qui, ces dernières années, fait preuve de grandes qualités vocales acquises aussi bien dans le répertoire d'opéra baroque que romantique, de même que dans la musique de chambre du XIXe siècle. Doté d'une capacité à faire vibrer notre cœur par une intensité affective élevée, un beau timbre de velours, une expression juste et éclatante, une maîtrise souveraine du legato et un vibrato élégant, il impressionne par une virtuosité sans faille, vive, mais jamais démesurée, développée indépendamment du registre et au service du texte.

Si le baryton de , en Zurga, est ample, crémeux et éloquent, nous ne sommes pas convaincus que le timbre de sa voix soit suffisamment varié, surtout dans les graves, où l'artiste manque un brin de volume et de demi-teintes. Au bout du compte, la basse , en Nourabad, nous déçoit, pour cette interprétation, par un timbre « nasal », quelque peu dépourvu de coloris et d'habileté, bien que sa prestation ne soit pas trop lourde.

En ce qui concerne le chœur, il se révèle un véritable commentateur, voire l'un des protagonistes du récit. On admire dans cette exécution la multitude des couleurs et la netteté de prononciation, tout autant que la finesse et le brio. De l', on savoure la pureté du contour, la justesse des teintes, de même que la fougue et la cohérence narrative, assurée par la baguette d' (lire notre entretien) qui accentue le drame par des contrastes de tempo et de dynamique. Ce qui importe, il suit les chanteurs avec attention, tout en rendant l'accompagnement orchestral à la fois tendre et tendu, naturel et théâtral, doux et vibrant d'énergie ; et c'est grâce à cette fusion que notre attention ne se détourne jamais lors de l'écoute de ce coffret.

Avec la diction irréprochable de chacun des solistes et une prise de son soignée, offrant une large gamme de nuances, et variant les perspectives sonores (on entend les chanteurs soit au premier plan, soit, quelquefois, au fond de la scène), cet enregistrement est une aubaine pour les admirateurs de l'opéra français.

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