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Le Quatuor vocal Méliades passe commande à Patrick Burgan

Voilà un bel hommage rendu aux poétesses par le compositeur qui met en musique onze textes de grandes dames de l'histoire littéraire, présentés chronologiquement, dans Les Spirituelles. L'œuvre est suivie par le Cantique des Cantiques, un « poème liturgique » que Burgan articule en douze tableaux musicaux. Les deux partitions sont écrites sur mesure pour les voix féminines a cappella du quatuor Méliades qui a passé commande au compositeur.

Au service du poème et de la langue dans laquelle il « sonne » (les langues sont au nombre de sept dans Les Spirituelles), Burgan varie les registres et modèle le profil de son écriture vocale selon les incitations du texte : les entrées fuguées pour le Jubilatio d'Hildegarde von Bingen (en latin), le ton du lamento et ses inflexions glissées dans Occhi miei de Chiara Matraini, la dimension apollinienne du chant pour Luisant soleil de Louise Labé, ou encore la ligne économe et fervente, presque une prière, sur les mots d'Emily Brontë. Pour Emily Dickinson et son seul quatrain, ardent et mystique, Burgan choisit la concision et la tension expressive qui convient. Les voix des Méliades s'y soumettent avec une parfaite ductilité. S'agissant du très beau texte de Thérèse d'Ávila, le compositeur fait chanter les voix du quatuor en relai sur des inflexions d'une grande suavité : « Je vis sans vraiment vivre / Et c'est ainsi que j'attends / Car je meurs de ne pas mourir », répète la religieuse espagnole du XVIe siècle. C'est Janequin qu'évoque le compositeur dans Rimailleries de Pernette du Guillet (1520-1545), insufflant sa verve rythmique au sein d'une polyphonie alerte et ciselée que les Méliades assument avec beaucoup de brio.

« Mon bien-aimé est pour moi un bouquet de myrrhe / Il repose entre mes seins » : c'est une autre poésie, non moins sensuelle, qu'offre le Cantique des cantiques, un livre de la Bible traitant de l'amour et du désir, qui a inspiré plus d'un compositeur, dont Olivier Messiaen. Pour ce texte incantatoire faisant intervenir divers personnages, privilégie davantage la ligne soliste au sein d'une écriture toujours exigeante. En relai, mais très solidaires, les Méliades en donnent une interprétation sensible, dans le neuvième tableau notamment, « Tu es belle mon amie », précédant les savoureux bicinia (deux voix enlacées) du numéro suivant. Avec ses tournures moyenâgeuses et la fantaisie de ses contours, « Que tu es belle » est une des pages les plus savoureuses du recueil, laissant apprécier la finesse et la sensualité des voix convoquées deux à deux.

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