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Pietari Inkinen à Sarrebruck ou les contrastes de Mahler

Plutôt que des Vier letzte Lieder sans séduction, l'approche efficace du jeune dans Mahler fait le prix de ce concert de rentrée.

Sarrebruck a beau être la capitale du Land de Sarre, la ville n'est guère qu'une ville moyenne, mais son statut lui donne le privilège rare d'être le siège de deux orchestres, l'un rattaché au théâtre de la ville, l'autre à la radio, et tous deux se partagent la scène de la Congresshalle pour leurs concerts d'abonnement du dimanche matin. Né d'une fusion entre les deux orchestres radio de Kaiserslautern et Sarrebruck il y a dix ans, la Deutsche Radio Philharmonie est placée depuis un an sous la direction du jeune chef finlandais , qui cumule ce poste avec de nombreux engagements. Le concert d'ouverture de la nouvelle saison ne brille pas par l'originalité de son programme, mais Mahler sont, après tout, la pierre de touche par excellence pour les orchestres d'aujourd'hui.

Pour ouvrir le concert, vient chanter les Quatre derniers Lieder de Strauss : son interprétation laisse une impression mitigée. La voix est compacte et conduite sans trembler, mais le timbre est devenu acide et on aimerait plus de nuances, une attention aux mots plus nuancée et plus sensible.

Après l'entracte, l'orchestre surprend d'abord par sa disposition : les contrebasses ont pris place au fond de l'orchestre, les percussions se retrouvant chassées à la droite du chef ; derrière les premiers violons, en bord de scène, c'est la harpe qui se trouve placée au premier plan, et le cor solo s'avance lui aussi en direction du public pour le troisième mouvement. Tout ceci laisse entrevoir une attention particulière aux couleurs sonores : la direction d'Inkinen, tout au long de la symphonie, n'infirme pas cette attente, même si on peut regretter que les contrebasses ainsi reléguées tendent parfois à priver le son de son assise dans le grave ; mais, plus encore que ce travail sonore, c'est le goût prononcé des contrastes dont il fait preuve qui marque son interprétation – quitte à toucher dans le forte aux limites de cette salle aux dimensions somme toute modestes.

Le cœur Leidenschaftlich, wild (passionnément, sauvagement) du premier mouvement a toute la sauvagerie qu'il faut, mais aussi une épaisseur de l'expérience sensible, un monde dont la diversité frise le chaos. L'Adagietto, pour autant, ne devient pas la pièce sentimentale et alanguie que bien des chefs en font à force de lenteur, parce qu'Inkinen ne perd jamais de vue le mouvement global de l'œuvre et donne au drame la prééminence sur la métaphysique et l'émotion. Ce n'est certainement pas la seule approche possible de cette œuvre, et elle passe par quelques simplismes, mais l'ensemble convainc, et si l'orchestre sarrois n'a ni les subtilités sonores ni les solistes de premier plan des grands orchestres internationaux, le concert témoigne tout de même bien de la richesse de la culture orchestrale du monde germanique.

Crédit photographique : Oliver Dietze

 

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