- ResMusica - https://www.resmusica.com -

Nouvelle production de Jenůfa de Katie Mitchell à Amsterdam

Première de la saison du Dutch National Opera d'Amsterdam, Jenůfa attire par une distribution de qualité de laquelle ressortent les chanteurs principaux , , et Pavel Cernoch, portés par une mise en scène efficace de et la splendide direction du directeur d'Essen, .

Dijon encore la semaine précédente et toutes les scènes depuis deux décennies ont confirmé l'importance des opéras de . Pour autant, les éléments tchèques référents à cette musique trouvent encore aujourd'hui les plus beaux résultats avec des représentants de cette culture, comme le prouve une fois de plus le chef , point fort de la nouvelle de Jenůfa à Amsterdam.

Le Nederlands Philharmonisch Orkest convainc par sa justesse et la qualité de ses musiciens, à commencer par les clarinettes et la clarinette basse, mais son volume et ses couleurs s'avèrent plus discutables, même si une partie de l'intensité se déploiera sans doute à mesure des reprises, à l'instar du dernier acte, déjà plus libre que les précédents lors de cette Première. Nul doute également que Netopil parviendra à s'ajuster par la suite à sa chanteuse principale sans trop limiter sa fosse. Pour le reste, le chef impressionne à chaque instant comme déjà récemment à Vienne dans Katia Kabanova, avec un propos d'une magnifique délicatesse et d'une subtile intelligence, à l'image des premiers rubatos de cordes dès l'ouverture, et surtout de la fluidité de celles-ci lorsqu'elles ne recherchent pas l'agitation motorique des premiers accords censés imager un moulin, absent de la mise en scène.

À la qualité de la direction, de laquelle il faut encore citer la mise en avant particulièrement intéressante d'un xylophone, démarqué de l'orchestre dès l'ostinato introductif (idée qui répond par-là à la demande initiale du compositeur de ressortir du moulin) ainsi que l'extrême finesse qui conduit la grande puissance des codas du deuxième et du troisième acte, il convient également de signaler le chœur dynamique et agréable, dont il faudra juste soigner la mise en place de quelques parties aux prochaines représentations.


La mise en scène de ne réinvente rien de l'œuvre, mais la place de manière efficace dans le monde moderne avec, en guise de moulin à blé au premier acte, une usine de farine dans laquelle tous travaillent. Ensuite placée dans une roulotte puis dans une pièce de bal (dont le défaut est l'élévation par rapport au plateau, à l'insu de la projection des voix), l'action bénéficie d'un jeu d'acteur parfaitement travaillé. Du premier acte se détache une scène extrêmement provocatrice qui démontre, par l'absence de remous du public, l'ouverture d'esprit des Néerlandais par rapport au tollé qui aurait assurément été provoqué par la même image sur une scène italienne, anglo-saxonne ou même française : celle dans laquelle rentre dans les toilettes face au public au milieu du plateau, enlève sa culotte et s'assoit, exactement comme l'image provocatrice de Nicole Kidman dans le dernier film de Stanley Kubrick, Eyes Wide Shut. Cette scène permet à Jenůfa ensuite, l'oreille collée au mur, d'entendre que son amant n'ira pas au service militaire. Elle confirme au passage le charisme et la finesse de jeu de la soprano .

Pour le reste, on retrouve la pâte un peu facile de , celle d'un plateau souvent occupé par des figurants pour créer du réalisme, comme les peintres du XVIe siècle utilisaient un dallage pour montrer qu'ils avaient intégré la perspective. Comme ses Eva et Elsa, la Jenůfa d'Annette Dasch se montre d'une extrême sensibilité, notamment à l'acte II lorsqu'elle cherche son enfant disparu, en même temps qu'elle expose une voix sans excès d'ampleur, ici même dépassée par la Stařenka impressionante par la puissance comme la tenue de chant d'. Pavel Cernoch offre un Laca vocal et lui aussi émouvant, en plus de posséder un timbre particulièrement coloré et la langue de l'opéra, puisqu'il est originaire de la même ville que le compositeur. est un Števa bien adapté au rôle plus quelconque de l'autre ténor, quand des seconds rôles, en plus du Stárek de , on aimerait mettre en avant la voix prometteuse par la grâce et la souplesse de en pâtre Jano, devenu dans cette proposition la jeune Jana.

La pièce de Gabriela Preissová faisait de la belle-mère le rôle principal ; les coupes de Janáček puis le choix, influencé par Max Brod, de nommer l'opéra du nom de la belle-fille, ont relégué au second rang la Kostelnička. Pourtant, tenue par une qui n'avait pas convaincu par le chant éreinté de sa Makropoulos récemment pour Berlin et inquiète ici à ses deux premières phrases, la Sacristine impacte dès l'air du premier acte. Elle fascine ensuite au II avant, puis après s'être débarrassée du nourrisson, et enfin par sa force d'implication physique et vocale lorsqu'elle avoue son crime, avant que Jenůfa ne reprenne la première place au finale de l'opéra. Celui-ci est évidemment joué dans la version d'origine par un Netopil là encore passionnant par sa capacité à utiliser habilement l'écriture cyclique du génial compositeur.

Crédits photosgraphiques : © Ruth Walz

(Visited 1 090 times, 1 visits today)