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Le L.A. Dance Project au TCE, un rendez-vous manqué

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Paris. Théâtre des Champs-Élysées. 20-IV-2018. L.A. Dance Project
Second Quartet. Chorégraphie : Noé Soulier. Musique : Tom de Cock (Ictus Ensemble) et Noé Soulier
Bach Studies (Part 1) (2018, première française). Chorégraphie : Benjamin Millepied. Musique live : Bach, Partita pour violon n° 2 en ré mineur. Violon : Eric Crambes
Yag (2017, première française). Chorégraphie : Ohad Naharin. Musique enregistrée : John Zorn, Gaetano Donizetti, John Tavener, Ennio Morricone, Ran Slavin, Maxim Waratt. Avec les danseurs du L.A. Dance Project

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Le retour de à Paris au Théâtre des Champs-Élysées avec sa compagnie, le , était un événement attendu. Le programme, résolument axé sur la création contemporaine, qui présente aux côtés de Yag d', Second Quartet de et Bach Studies de , était alléchant. Pourtant, cette première représentation a tourné au fiasco.

Il y a des soirs de première aux allures de répétition générale, où le sort semble s'acharner. Entre manque de préparation et problèmes techniques, ce programme concocté par n'a pas fait mouche. Des danseurs peu familiers avec le vocabulaire chorégraphique de Naharin, des chorégraphies en manque d'inventivité, un spectacle qui commence en retard, des erreurs dans le programme et, aléas du direct, un projecteur qui explose et oblige à une interruption en plein milieu de Yag pour déblayer les morceaux de verre tombés sur scène : la bonne étoile de Benjamin Millepied n'a pas brillé ce soir-là !

Mal assimilé le vocabulaire si particulier d' – cette méthode dite « gaga » découverte par le grand public dans le film « Mr Gaga » – peut tourner à la caricature. C'est malheureusement ce qui se passe dans cette représentation de Yag, pièce créée en 1996 pour la . Les danseurs du mettent certes de l'implication et de la conviction dans les gestes, mais leurs corps ne possèdent pas l'extraordinaire élasticité des danseurs de la Batsheva qui donne aux mouvements de Naharin toute leur singularité. Par ailleurs, au-delà de son interprétation, Yag n'est pas la plus grande réussite du chef de file de la danse israélienne. Tiré par des ficelles un peu grosses, le discours perd en lisibilité, et par conséquent, en intensité. Les danseurs, l'un après l'autre, déclinent leur nom, celui de leurs parents, et répètent « ma famille aimait – aimait beaucoup – beaucoup, beaucoup danser ». Ces paroles répétitives créent une impression de nostalgie énigmatique, d'un drame passé mais aussi de distance avec ces personnages qui restent désincarnés et stéréotypés. On a du mal à faire le lien entre les différentes séquences de la pièce, comme la scène où un danseur vient écraser avec ses pieds un alignement de biscuits, engendrant un bruit de craquement amplifié par la sono. Derrière une porte, les manteaux s'échangent ; un danseur se retrouve allongé face sur le sol, entièrement nu, et rampe doucement avant que le rideau ne tombe. L'interruption pour cause technique n'a certainement pas aidé à saisir la cohérence de l'œuvre, mais une impression d'inabouti et de discours brouillé s'en dégage.

Que dire alors de Bach studies de Benjamin Millepied ? Outre le violon qui joue sur scène, debout, la Partita pour violon seul n° 2 de Bach de manière rugueuse, à la limite de la fausseté, la pièce constitue un prétentieux melting pot d'influences et de styles, sans identité, à part la volonté de « faire beau ». L'absence d'âme et de profondeur de cette pièce ne suscite toutefois aucune émotion. On regarde s'enchaîner avec indifférence une succession de sauts, de manèges, un duo sur pointes, dansé de manière médiocre, le tout dans un décor brut (murs en pierres et cintres du théâtre apparents) en décalage avec le contenu, somme toute très classique, de la chorégraphie. Il faut toutefois souligner la belle prestation des danseurs masculins, qui font preuve de virtuosité technique, de vivacité et de légèreté.


Enfin, pour terminer par le début du programme, , jeune chorégraphe français de 31 ans, entre en matière avec Second Quartet, pièce exigeante mais aride créée pour le en 2017. Le principe de la chorégraphie repose sur le jeu de ping-pong entre les sons et les corps des danseurs. Renversant la relation entre danse et musique, utilise le geste du danseur pour lancer le son. Intriguant, le dispositif suscite la curiosité dans les premières minutes. Le vocabulaire chorégraphique est plutôt riche, mêlant des figures acrobatiques empruntées à la break dance et au karaté, à des pas de danse contemporaine. Il est parfaitement assimilé par le groupe de quatre interprètes. Le duo central, brillamment exécuté par et repose sur un jeu sur le poids du corps qui pousse les corps des deux danseurs à s'imbriquer, comme si l'un était l'extension de l'autre. Néanmoins, l'effet d'étonnement finit par s'essouffler, et la dimension expérimentale de la pièce, trop longue malgré ses seulement 28 minutes, met la patience du spectateur à l'épreuve.

Ce programme, construit sans acmé et entaché de nombreuses imperfections, ne constitue pas une réussite pour Benjamin Millepied, malgré sa volonté louable de constituer un répertoire ouvert à la création contemporaine.

Crédits photographiques : Photographie n° 1 : Yag, , © Erin Baiano ; photographie n° 2 : Second Quartet, Noé Soulier, © Lawrence K. Ho

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Second Quartet. Chorégraphie : Noé Soulier. Musique : Tom de Cock (Ictus Ensemble) et Noé Soulier
Bach Studies (Part 1) (2018, première française). Chorégraphie : Benjamin Millepied. Musique live : Bach, Partita pour violon n° 2 en ré mineur. Violon : Eric Crambes
Yag (2017, première française). Chorégraphie : Ohad Naharin. Musique enregistrée : John Zorn, Gaetano Donizetti, John Tavener, Ennio Morricone, Ran Slavin, Maxim Waratt. Avec les danseurs du L.A. Dance Project

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