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Hugo Wolf [1860 – 1903], compositeur

Compositeur autrichien né à Windischgrätz (devenue Slovejn Gradec, Yougoslavie) le 13 mars 1860 et décédé à Vienne le 22 février 1903.

« Ende vom Lied [fin de chanson] c’est le nom que Robert Schumann a donné au dernier de ses Fantasiestucke pour piano. Et si la fin de siècle avait marqué d’avance, ainsi, la fin du lied ? »

Wolf fut le prolongateur de Schubert et de Schumann dans le domaine privilégié du lied et son art semble marquer l’apogée ultime de l’art du lied allemand ; Mahler et Strauss suivront d’autres voies moins prophétiques mais non moins émouvantes.

Son activité créatrice est rassemblée, comme Rimbaud à qui il ressemble à bien des égards, sur quelques années fécondes.

RACINES

Wolf est à la croisée de deux cultures qui détermineront largement sa culture et son inspiration ; une double ascendance marque en effet ses origines : un père d’origine allemande, violoniste amateur, qui dut refouler ses ambitions artistiques – il rêvait secrètement d’architecture – pour reprendre l’entreprise familiale de tannerie et une mère, Katharina Nussbaumer – germanisation de tchèque Orchovnik -, qui avait du sang italien.

FORMATION

Le jeune Hugo reçu les premiers rudiments musicaux de son père ; après des études secondaires cahotiques, il rejoint, malgré les réticences paternelles, le conservatoire de Vienne où il sera condisciple de Mahler. Il livre ses premières compositions, dédiées au piano, puis se tourne vers le lied. Il interrompt ses brillantes études musicales prématurément. Pendant sa formation, il se prend de passion pour les grands Viennois (Beethoven, Mozart, et surtout Schubert) puis très vite s’enthousiasme pour ses contemporains, en particulier Wagner qu’il a l’honneur de cotoyer dès décembre 1875.

« Sa passion pour l’opéra cristallise alors toutes ses émotions » et il entreprend la création d’un opéra König Alboin resté inachevé. Le premier jalon important est une symphonie dont nous est parvenu Scherzo und Finale sous influence berliozienne.

GÉNÈSE D’UN GÉNIE

Il mène déjà une vie déréglée, se satisfaisant de leçons et n’occupera que quelques mois l’emploi de chef de chœurs au thêatre de Salzbourg – il s’essaiera furtivement, comme naguère Schumann, à la critique musicale. C’est un échec qui déterminera l’ambition de Wolf de s’imposer un jour à l’opéra.

Se cherchant, il compose Six chœurs sacrés d’après Eichendorff en 1881, mais l’œuvre majeure de cette période est le quatuor à cordes en mineur qui porte exergue des mots du Faust de Gœthe — Entbehrten sollst du, sollst entbehren. De dimension beethovennienne, d’un lyrisme teinté à la fois de Schubert et de Wagner ce quatuor entamé en 1878 n’est achevé qu’en 1884 et crée seulement en 1903, à la veille de sa mort.

Il rencontre une profonde déconvenue avec le poème symphonique Penthésilée, écrit sur le conseil de Liszt, inventeur du genre — il dépassa son mentor dans ce domaine ; fustigée parce que son auteur avait pris le parti de la modernité — avec Bruckner et Wagner comme chef de file — face aux modèle classique incarné puissamment par Brahms, l’œuvre est rejetée.

L’EXPLOSION CRÉATRICE, LE LIED

Cela sonnera le glas de ses ambitions symphonistes. Aprés un retour momentané à la musique de chambre, Intermezzo en mib et Sérénade Italienne en 1887 (instrumentée en 1892) Wolf voit ses premiers cahiers de lieder imprimés en 1887 ; cela induit une formidable activité créatrice en 1888 où une centaine de lieder voient le jour : trois grands recueils sur des vers de Mörike, Eichendorff et Gœthe. Après des essais infructueux dans le domaine de la grande forme, Wolf trouve dans le lied une forme d’expression qui convient à son esprit instable.

Les deux années suivantes sont encore fécondes avec 26 poèmes sur Gœthe, puis, entre octobre 1889 et avril 1890, les Spanische Liederbuch (recueil de chants profanes et religieux) suivi de l’Italienische Liederbuch (premier cahier), écrit fin 1890 et fin 1891.

Les cinq années qui suivent, peu actives, ne connaissent qu’un modeste interlude avec deux pages chorales de commande — un oratorio Christnacht et une musique de scène Das Fest auf Solhaug. Aprés 1896, il ajoute le second cahier à l’Italienische Liederbuch et des poèmes de divers auteurs dont les Michelangelo Lieder, son Chant du Cygne.

Sa réputation de compositeur de lied est établie : considéré à son grand dam comme le « Wagner du lied », Wolf est irrité de se voir confiné dans la petite forme et entreprend dans une grande fébrilité la composition de l’opéra-comique Corregidor [le magistrat] d’après un roman qui inspirera Manuel de Falla (Le tricorne). L’œuvre est crée le 7 juin 1896 à Mannheim avec un certain succès mais retombe vite. On reprochera à l’œuvre de ne constituer qu’une sorte d’assemblage de lieder avec orchestre.

LA FOLIE

Wolf se lance avec une ferveur redoublée dans la composition d’un second ouvrage scènique Manuel Venegas mais l’emploi de l’alcool comme stimulant précipite sa fin.

Wolf est excédé par les atermoiments de Mahler à monter son Corregidor et il entre alors dans une période de grande excitation, il doit être interné. Après deux mois d’isolement complet, il quitte l’asile, voyage avec des amis, notamment en Italie. Il tente de se suicider dans la Traunsee, il est alors définitivement interné, ayant sombré dans la neurasthénie ; il vivra ainsi de manière végétative pendant 5 ans et sera finalement emporté par une pneumonie — peut-être, dit-on aussi, d’une syphilis contractée vingt plus tôt, le 22 février 1903.

« Il aura vécu au rythme des crises d’exaltation et d’abattement, avec une conscience amère et fière de sa valeur »

Il est inhumé près de Schubert et de Beethoven.

LE STYLE DE WOLF

Son langage, s’inspirant librement de la déclamation wagnérienne sublime l’expression plus simple, moins éthérée d’un Schubert et d’un Schumann dont il se considérait comme un pendant. L’accompagnement de piano est d’une écriture virtuose et complexe, toujours insaisissable, plus inventive que celle de ses prédécesseurs. La mélodie suit exactement les inflexions de la poésie (Wolf avait l’habitude de déclamer les textes de ses lieder au public dans les concerts où il accompagnait au piano).

ANNEXE

Enregistrements recommandés

En première approche :

– Extraits de Mörike lieder par Dietrich Fischer Dieskau et Sviatoslav Richter. Live (Deutsche Grammophon 463510 2)

Lieder d’après Gœthe, Mörike Eichendorff par Elisabeth Schwarkopf et Gérald Moore. (EMI 7 63653 2)

Pour approfondir :

Vaste anthologie de lieder par Dietrich Fischer Dieskau et Daniel Baremboïm. (6 CD DG 447515 2)

Spanisches Liederbuch par E.Schwarzkopf, D.Fischer Dieskau et G.Moore. (DG 42934 2)

Italienische Liederbuch par E.Schwarzkopf, D.Fischer Dieskau et G.Moore. (EMI 7 636532)

Bibliographie recommandée

André Tubeuf : Le lied Allemand. Ed François Bourin

Crédit photographique : domaine public

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