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Sortie de Désert pour Charles-Valentin Alkan

Festival Chopin

La postérité est un bon filtre, dit-on; voire. La rareté de (1813-1888) est plutôt une question de difficulté technique, et de langage. N'est pas qui veut ; laquelle sait, au nœud d'un programme extrêmement ardu, articuler sans effort apparent les spasmes et écarts effrayants d'une pièce justement qualifiée de diabolique. On a dit Alkan sauvage. C'est faux : il appartint aux cercles de George Sand et Victor Hugo. Le premier nocturne justifie son surnom de « Berlioz du piano » : on y goûte, en un relief limité, et presque sans accident, toute la palette de teintes du grand orchestrateur – accrue par la délicatesse de la virtuose.

Il n'est pas un franc-tireur en son genre. D'autres ont fait leurs cahiers d'études bien avant lui. Son absence de descendance peut s'expliquer par un propos qui, s'il prend racine dans les tourmentes contemporaines, parle différemment; et souvent avec trop d'avance. Malgré une durée minime (deux œuvres), Désert l'inscrit dans la totalité du concert, par trois de ses traits propres, en somme: anticipation, hiatus, couleur.

Du premier abord, le nocturne n° 1 du Polonais, avec ses deux âpres crescendi. La novatrice tarentelle l'y accompagne: moto perpetuo tournoyant et sans répit, rustique comme élégant. Quelle dureté équivoque l'artiste ne met-elle pas dans la syncope ! A la suite, les fantasmagoriques novellettes – conclusion schumannienne, franche, mobile ; et avant tout descriptive. Voulue annonciatrice des tableaux d'une exposition de Moussorgsky, qui savait sa dette.

chérit Schumann, c'est évident; deuxième style, l'Humoresque. Arche égotiste, universelle pourtant, et lieu certain de tous les périls. Elle façonne chaque contour (et ils sont quelques-uns) avec une gestuelle caressante à la Reine Gianoli doublée d'une variété métaphorique qui laisse pantois. Si des grincements se manifestent, elle leur adjoint des accords plaqués de spectre. Entend-on la sérénité la plus aplanie? Elle compense dans le finale : dérangeantes interrogations , dépouillées, sans excès ; mais propres à répandre des plaintes dans la brusque fanfare.

Qu'inscrire dans le dernier affect – lequel n'est pas le moins instructif? Le Chopin des trois nouvelles études, bien sûr : rubato tout en pudeur. Egalement le nocturne n° 2, déplacé pour ouvrir le programme dans le plus grand velours. Mais encore? Le bis, unique (pertinence après pareille profusion) : Mendelssohn, l'une des romances sans paroles.

, quand certains, peu imaginatifs, figent ce recueil en une fadeur de bonbonnière, voit et fait sentir, avant tout, cette inégalée finesse du peintre; bien plus Bonnard avant l'heure, que Delacroix. Envol prometteur, mais sans héritier, d'une grâce jamais maniériste. Et dernière révérence d'un soir à son compagnon de purgatoire, . Pour eux, comme pour les autres, on la remercie.

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