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Igor Ballereau, compositeur

Il faut quelques vingt-trois ans à pour se remettre de sa venue au monde (qui avait pris, en ce jour d'octobre 1969, l'apparence de la ville de Cherbourg) et songer sérieusement aux sons et à leurs pouvoirs.

La rencontre des œuvres de Pascal Dusapin, puis de l'homme lui-même, dont les bienveillants conseils ne tombent pas dans l'oreille d'un sourd, enchaînent ses graves rêveries à sa volonté—à laquelle, dès lors, Igor plie le plus clair de son temps. Il hante, par exemple, les rayons à partitions de la bibliothèque de Beaubourg, fatigue traités et méthodes, noircit force portées et commet très vite un opéra, La Valse des Bigorneaux, où n'est peut-être audible qu'un violent désir de musique. L'étude se poursuit, acharnée et solitaire. Seule la trouble la fréquentation de quelques proches parents – Berg, Ravel ou Ligeti – et de deux ou trois cousins : Bresson, Deleuze, Lynch… Le désir s'affine et décante.

Si la Schizo-Machine, essai presque orchestral, trahit sans doute une ironie et une fougue toutes juvéniles, le sombre dialogue de Deux nus froissés, le cycle tendu des Pou Pocket Songs témoignent d'une énergie maîtrisée, d'un lyrisme moins contrarié et d'un goût marqué pour le chant. Car est un lyrique, quoi qu'il en ait. Du reste, Cent sales mouches le prouvent bientôt avec éclat. Première pièce vraiment aboutie de notre énergumène, ce quatuor pour flûte et cordes étonne par la précision heurtée de ses lignes, sa vitalité recueillie, son étrange charme mélodique. Ces qualités s'affirment et s'épurent encore dans les récentes Lettres à des amies-enfants – second cycle dédié à la voix, sur des textes de Lewis Carroll –, ritournelles émues, entre stupeur et abandon, et d'une sensualité harmonique que n'eût pas reniée un Morton Feldman (musicien dont la radicale pensée fascine naturellement notre ami).

Après la mélancolie naïve d'anciennes Chansons de Geishas, autres miniatures, la poésie imagée et inquiète de Georg Trakl occupe aujourd'hui  : ce sera Psalm, pour chœur, solistes et orchestre, ambitieux projet à la mesure des doutes qui, en bon autodidacte, l'assaillent, et auxquels son art oppose, heureusement ! de précieux démentis.

Biographie rédigée par Didier da Silva

Lettres à des amies-enfants est une œuvre où la musique s'épanouit avec une grande pureté d'expression dans une profusion de teintes sonores. La voix et les instruments se mêlent sans qu'il soit vraiment possible de distinguer ce qui provient du chant ou de l'instrument. Tour à tour les sons se prolongent, s'étouffent puis ils rejaillissent pour s'épanouir en mille éclats aux teintes subtiles. Et il nous semble impossible de ne pas succomber devant l'expression d'une si merveilleuse beauté tandis que reviennent dans nos pensées ces œuvres de Takemitsu, A bird came down the Walk et de Suzanne Giraud, L'œil et le jour. Même expression subtile d'une beauté naïve et pure comme le réveil d'un paysage de Nature, un sourire sur le visage d'un enfant, la musique d'Igor Ballereau, intense et fine, se déguste en conséquence, avec passion et délicatesse.

Lettres à des amies-enfants, pour soprano, flûte, clarinette, violon, alto et violoncelle sera crée en concert avec un autre cycle consacré, lui, à La prose diaphane des Geishas, le 22 novembre 2002, à la Maison de la Musique de Nanterre.

Pour en savoir plus …

 

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