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Demetrio e Polibio de Rossini au Château de la Pellonière

Depuis quatre ans déja, l'équipe d'Agapé – Les amis de de la Pellonière mène l'aventure de donner en extérieurs, en version scénique et avec orchestre, un opéra en plein cœur du Perche. L'an dernier, un Didon et Enée de belle qualité avait été représenté dans la cour d'honneur du château.

Cette année, l'entreprise était encore plus ambitieuse, puisqu'elle concernait une œuvre plus dense, et rien moins que le premier opéra écrit par Rossini, Demetrio e Polibio, représenté pour la première fois en France.

Malheureusement, les intempéries, particulièrement vindicatives dans la région, obligèrent les organisateurs à renoncer au plein air et à décider d'un repli dans l'église, pour une version de concert mise en espace, en costumes et comportant une partie des éclairages prévus à l'origine.

L'intrigue, située en Orient, en est assez traditionnelle et montre comment l'amour de deux jeunes gens : Lisinga (soprano) et Siveno, rôle travesti (mezzo-soprano) est contrarié par la raison d'état et l'éternel conflit entre le cœur et le devoir. La fin voit, bien sûr, le triomphe heureux des sentiments.

La forme est celle, très classique de l'opéra seria, avec une alternance d'airs et de récitatifs, et un traitement cependant assez moderne du chœur. Elle n'est pas sans faire penser aux opéras de jeunesse de Mozart, comme Mitridate par exemple, ne serait-ce que par l'extrême virtuosité de certaines parties vocales.

Toutes les caractéristiques des œuvres futures de Rossini sont déja présentes, avec leur juste mesure d'airs de bravoure à vocalises et de duos extatiques, et une orchestration déja très soignée. Tout cela justifia sans doute l'enthousiasme de Stendhal qui, entendant cet opéra à Côme en 1814, prétendit même qu'il était supérieur au célèbre Tancrède.

On peut certes rêver de ce qu'aurait donné la représentation dans la cour du château dont les styles variés, allant du 12e au 18e siècle constituent cependant une belle harmonie, fort bien utilisée l'an dernier par les organisateurs, pour Didon et Enée.

Néanmoins, cette version fut particulièrement passionnante, sans doute par ce que la mise en scène, réduite per forza à de séduisants costumes orientaux et des éclairages raffinés, permettait aux voix de passer au tout premier plan. De plus, il advient parfois que des difficultés techniques inattendues, susceptibles à priori d'entraver la bonne marche des choses, puissent au contraire constituer un stimulant : les protagonistes de cette belle soirée en donnèrent la preuve éclatante.

Cette œuvre, que beaucoup découvraient parmi le public, requiert quatre chanteurs d'exception, le cinquième rôle, celui d'Alcandro, bien tenu derechef par Benoît Damant, étant nettement moins virtuose.

Il convient donc de saluer les quatre solistes principaux, avec une mention spéciale pour la basse Kim Ta (Polibio), doté d'un timbre superbe, profond, très homogène et riche en harmoniques et la mezzo-soprano Magali Paliès (Siveno) à la voix ronde, chaude, puissante, expressive et égale sur toute la tessiture.

La soprano Flavia Mounaji (Lisinga), dotée de moyens vocaux impressionnants, eut parfois tendance à surexposer ses aigus et à forcer sa voix ; même remarque pour le ténor (Demetrio/Eumène). Il faut reconnaître à leur décharge que la tessiture de ces deux rôles est particulièrement périlleuse.

Mention spéciale également à l'orchestre, composé pratiquement de solistes (un instrument par pupitre, sauf pour les violons, au nombre de deux) : belle sonorité des instruments et direction attentive et enthousiaste de Jacques Gandard.

En conclusion, cet excellent travail, mené par une équipe jeune et dynamique sous la direction avisée de , directeur artistique de la Société Rossini, donne envie de réentendre cette œuvre très rapidement.

Que les amateurs soient rassurés : une tournée de ce spectacle est prévue en France dans les mois à venir.

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