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Hoffmann à Hollywood

Certains opéras se prêtent particulièrement bien à la transposition temporelle et supportent aisément d'être extraits de leur contexte historique. L'Opéra de Les Contes d'Hoffmann est de ceux-là. La production de l'Opéra du Rhin intègre parfaitement cette donnée.

Jean Pierre Furlan était doublé le soir de cette chronique, et son remplacement par un ténor italien qui lui prêta simplement la voix lui permit néanmoins de promener son physique avantageux, qui rappelle de plus en plus la figure flegmatique et charmeuse de Mickey Rourke.

Cette adaptation improvisée montre bien combien la production était souple.

La mise en scène, les décors avaient pris le parti de jouer pleinement la carte du fantastique et du décor de cinéma.

De ce fait, Hoffmann vit ici bien plus un voyage proche du baron de Münchausen que l'habituelle réflexion sur le bien, le mal et l'éternel féminin.

Pour apprécier pleinement cette conception, il faut donc se laisser porter par le plaisir des machineries, des couleurs, de l'éclairage. Les trois femmes qui font le malheur d'Hoffmann sont ici bien stéréotypées, depuis la vamp du premier acte, jusqu'à la femme victime de sa passion dévorante du chant qui la tue.

Les références cinématographiques abondent ici : le tribun de Citizen Kane, les voyages de Gulliver et même certaine référence aux plus beaux laboratoires maléfiques des James Bond.

De fait, la distribution passe au second plan et la direction solide mais sans passion de Jan Latham-Kœnig su laisser aux chanteurs l'indispensable liberté que ces rôles périlleux exigent.

Bars américains glauques où rampent d'immondes loques humaines, poupées mécaniques aux allures de Marilyn Monrœ qui se désintègrent, écrans de contrôle et défilés de mode, tout ici suggère le rêve et le cauchemar.

Comme un voyageur dans le temps, le spectateur assiste au passage de l'autre côté du miroir, et, comme Hoffmann, manque d'y laisser sa raison et ses habitudes.

Et Offenbach dans tout ça ? Habitué aux péripéties de l'histoire et maître absolu dans l'art de l'autodérision et de la critique au pétard mouillé, son art se prête à l'extension maximale et, en ce sens, cette production est avantageusement classique dans sa facture.

Mais ô combien fascinante.

Crédit photographique : © Alain Kaiser

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