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Arabellissima !

Mise en scène par Brigitte Fassbaender et fabuleusement dirigée par un spécialiste de la musique viennoise (Dietfried Bernet), la nouvelle production d'Arabella à l'Opéra du Rhin réunit tous les talents et restera dans les annales.

Vienne est sur le déclin en 1860, bien que l'empereur n'en soit pas encore conscient. Ses défaites militaires passées et à venir marquent la fin de l'hégémonie autrichienne. C'est à cette période charnière de l'histoire que se situe l'argument de l'opéra et les décors, ici, sont à l'avenant : papiers peints décrépis, peinture délavée, meubles en piteux état, tout rappelle qu'une période glorieuse et somptueuse n'est plus qu'un Souvenir.

Brigitte Fassbaender ne transpose rien ; sa mise en scène respecte le « zeitgeist », l'esprit du temps, sans essayer de suggérer une éventuelle intemporalité de l'œuvre et de ses thèmes. Il s'agit pourtant une fois encore de l'éternel féminin, sujet favori de l'opéra et qui aurait permis à une chanteuse au passé prestigieux de faire étalage de sa culture.

L'Arabella de Fassbaender est une femme en quête d'identité, qui ne peut être différente de ce qu'elle est, rejoignant en cela Carmen, Leonore et bien d'autres. épouse la conception de son metteur en scène avec une conviction de tous les instants et ses duos successifs deviennent autant de moments d'anthologie. L'action d'Arabella est minime et ne met en scène que quelques personnages, Brigitte Fassbaender décide ainsi tout naturellement de reporter toute son attention sur une direction d'acteurs manifestement soignée. Expressions de visage, gestuelles précises, regards allusifs, à maintes reprises, cette production appellerait le cinéma et ses gros plans, sa technique, son langage…

Mais nous sommes bien au théâtre, Arabella est entourée de partenaires aussi impliqués qu'elle, à commencer par le Mandryka de , l'Adelaïde d'Ute Trekel-Burckhardt…

Dans la fosse, Dietfried Bernet ne se fait pas oublier. Arabella est un des opéras les plus sensuels du compositeur, sa direction ira donc dans son sens. Très exigeant quant aux tempi et à la tête d'un Orchestre de Strasbourg discipliné et riche en couleurs, le chef autrichien n'oublie pas qu'il a été disciple de Mitropoulos et insuffle à ses troupes une énergie peu commune.

Faite de subtilité et de grandes montées quasi proches de l'extase, sa direction est de celles qui donnent le frisson.

Très attentif aux inflexions musicales, soucieux de meubler les moments moins intenses de la partition, il a été avec Fassbaender le héros de cette production.

On se souviendra longtemps d'un final bouleversant qui n'aura jamais paru aussi naturel.

Equilibre et harmonie qualifient cette production d'une exceptionnelle qualité d'ensemble, elle mériterait d'être captée sur DVD.

Crédit photographique : © Alain Kaiser

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