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Ondes romantiques à Mogador avec Emil Tabakov & Peter Wispelwey

Salle comble, chaleureuse et enthousiaste pour le concert de l'Orchestre national d'Ile-de-France qui présentait deux œuvres majeures du répertoire, le Concerto pour violoncelle de Schumann sous l'archet de et la Quatrième Symphonie de Bruckner.

Le Concerto pour violoncelle s'inscrit parmi les dernières partitions écrites par Schumann juste avant de sombrer dans l'état de démence qui ne le quittera plus jusqu'à sa mort. D'une facture très originale, l'œuvre est conçue d'un seul tenant, les trois mouvements s'enchaînant comme un poème symphonique. Schumann expose au centre de l'œuvre l'une de ses confessions de l'âme les plus sublimes, où le soliste chante pratiquement à voix nue.

Avec une personnalité aussi exceptionnelle que , l'on ne pouvait s'attendre qu'à une interprétation totalement repensée du concerto, que l'artiste s'approprie avec ses conceptions personnelles sur l'articulation, le phrasé et la sonorité, fort éloignées d'une certaine tradition de jeu. La phrase n'en est pas moins expressive, moins chaleureuse sûrement, mais très finement ciselée, toujours à fleur d'émotion. En parfaite entente avec l'orchestre, Wispelwey réussit à sa façon à conduire un discours intérieur dont on peut certes regretter les amples respirations et l'onctuosité du vibrato, mais où s'établit toujours idéalement le dialogue entre le soliste et l'orchestre. Le public y a été sensible et obtenu deux bis du grand musicien qui, après le trop connu Après un rêve de Fauré, confirma qu'il est incontestablement l'un des interprètes de Bach les plus inspirés, le plus grand peut-être, avec le magnifique Prélude de la Première Suite en sol du Cantor de Leipzig.

Composée de janvier à novembre 1874, la Quatrième Symphonie en mi bémol majeur « Romantique » de Bruckner a été remaniée par son auteur en 1878, en ses trois premiers mouvements, et en 1880 pour son finale. Première symphonie que Bruckner conçoit dans le mode majeur, la Quatrième est sans doute la plus populaire et la plus jouée de ses symphonies, même s'il a fallu attendre longtemps après sa création pour que l'œuvre s'impose et soit appréciée par le public. la dirige par cœur avec une sûreté et une aisance qui savent lui donner l'ampleur architecturale et la puissance visionnaire que nous livre cette partition. Le mouvement initial, d'une grande clarté de construction, est superbement rendu dans ses contrastes thématiques et ses puissantes gradations sonores laissant le son s'épanouir généreusement dans l'espace. Les cordes ont la rondeur et l'homogénéité idéales pour modeler les courbes de la thématique. La fusion sdes instruments à vent est certes moins bien réalisée, mais le pupitre des cuivres possède l'éclat et la vigueur souhaités pour faire sonner les quintes victorieuses de cet Allegro molto moderato introductif.

Le deuxième mouvement, Andante quasi allegretto, n'est pas ici aussi convaincant dans son cheminement. Le discours conçu avec la plus grande économie de moyens par Bruckner ne parvient pas à trouver une cohérence au sein de l'orchestre, et l'oreille erre d'un pupitre à l'autre sans parvenir à saisir une direction d'ensemble.

Le Scherzo, en revanche, est brillamment enlevé, l'orchestre étant ici galvanisé par les couleurs flamboyantes de l'écriture brucknérienne. Avec l'énergie que son geste sait transmettre, donne à ce mouvement haut en couleur sa part de fantastique.

La fluidité circule parfaitement dans le finale dans l'exposition du premier thème, d'une puissance titanesque. Le discours est fermement mené jusqu'à la péroraison conclusive embrasant littéralement l'espace, bien que l'acoustique du lieu soit loin de l'idéal pour accueillir une telle œuvre à la ferveur toute mystique.

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