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Fin du week-end Schubert

Festival de Saint Denis

Les meilleurs chambristes français étaient au rendez-vous pour la clôture du superbe week-end que le Festival de Saint-Denis a consacré à Schubert, également représenté par la Sonate en la majeur D. 950 interprétée par Paul Lewis, et des lieder chantés par le baryton Stephan Genz. Dans le charmant pavillon de musique de la Légion d'Honneur, un public nombreux, conquis par leur talent, leur chaleur, leur humour et leur générosité, a réservé aux interprètes un accueil impérial sous l'œil autoritaire de Napoléon Ier en costume de sacre. Et il y avait les frères Capuçon, très en vogue en ce moment, vogue amplement méritée.

Le public attendait cet impressionnant chef-d'œuvre schubertien qu'est le Quintette « La Truite ». Il n'a pas été déçu, car ce fut en effet un grand moment de bonheur. Il est vrai, que de son lied, petit drame écologiste miniature, Schubert a tiré l'une des partitions de musique de chambre les plus importantes du début du romantisme. Mais auparavant, en ouverture de concert, la Sonatine n°1 pour violon et piano en trois mouvements, écrite en mars 1816 a réuni et le charismatique , qui a troqué la baguette pour le clavier. Tous deux ont offert une petite merveille d'équilibre et de sérénité. Il y avait visiblement – et ce fut le cas tout au long de la soirée – un plaisir partagé de musique et d'amitié. On oublie aussi trop souvent que est un merveilleux et pianiste, à la virtuosité pudique. Le Stradivarius de 1721 de Capuçon ayant appartenu à Fritz Kreisler sonne magnifiquement sous l'archet profond de son jeune titulaire. Les deux interprètes nageaient dans le bonheur. Leur jeu, à la fois discret et profond, correspond à l'esprit de Schubert et leurs instruments chantaient avec une liberté et une vitalité heureuses. Ils ont séduit le public par leur sens du phrasé, des nuances, leur technique parfaitement maîtrisée et leur époustouflante virtuosité.

La première partie s'est achevée sur le Trio n° 4 en si bémol majeur pour clarinette, violoncelle et piano que Beethoven a écrit en 1797 pour la comtesse Maria Wilhelmine von Thun. La clarinette de et le violoncelle de ont été éblouissants. Avec la complicité de Chung, ils ont su faire vibrer le chant mélodieux du deuxième mouvement Adagio con espressione. Le son chaud et rond de la clarinette de , les couleurs subtiles du piano et du violoncelle ont fait pleinement passer la pensée de Beethoven. Le troisième mouvement, Tema con variazioni, a été plein de vie et de gaieté.

Puis vint le moment tant attendu. Le célèbre Quintette qui introduisait deux grands musiciens ayant amplement contribué au renouveau de leur instrument, à savoir à l'alto et Marc Marder à la contrebasse. Originaire des Etats-Unis, ce dernier a fait ses débuts en 1975 au Festival de Malboro auprès de Paul Tortelier et de Sandor Vegh, avant d'être le contrebassiste de l'Orchestre du Festival Casals à Mexico puis Contrebasse solo de l'Ensemble Intercontemporain en 1978 sous la direction de Pierre Boulez. De retour en son pays en 1980, il est contrebasse solo de l'Orchestre du Festival « Mostly Mozart » de New York, puis revient en France où il intègre l'Orchestre National de France. C'est à la suite d'une tournée de musique de chambre en Amérique qu'il décide d'aborder en indépendant les activités et les répertoires les plus variés. Le Quintette pour piano et cordes est certainement l'œuvre la plus populaire de Schubert. Elle lui a été commandée par le violoncelliste Sylvestre Paumgartner qui suggéra au compositeur d'y insérer la musique du lied La Truite écrit quelques années plus tôt. Cette œuvre gaie, vivante, mélodieuse reflète une époque qui paraît être la plus heureuse vécue par Schubert. On sent une joie de vivre, un optimisme plein d'allant. C'est à la fois splendide et magique, subtil et harmonieux. Il semble que ce soit durant l'été 1819 au cours d'un séjour de vacances à Steyr, à une centaine de Kilomètres de Vienne, avec son ami Vogl que Schubert a écrit ce quintette en cinq mouvements à la magie mélodique, au climat plein d'insouciance et de joie.

La lecture de ce Quintette offerte à Saint-Denis a été brillante, enjouée, généreuse, les cinq interprètes se complétant magnifiquement dans une unité exemplaire. Chaque mouvement, chaque motif, chaque thème est restitué avec efficacité, émotion, humour et tendresse. Le bonheur et la joie de faire de la musique ensemble se lisaient sur les visages de ces cinq complices et amis qui ont fait vibrer une salle enthousiaste. A l'alto, a été prodigieux de finesse, de virtuosité et d'émoi. Son regard captait les émotions de ses partenaires et renvoyait la sienne, faite de bonheur et de partage. On était subjugué par cette force intérieure qui l'animait et rayonnait sur son visage. Marc Marder a fait résonner sa contrebasse avec une tendre et élégante virtuosité. Les frères Capuçon ont fait briller leurs instruments et porté ce Quintette miraculeux à des sommets de beauté. Et, le piano de avait toutes les couleurs de la vie. Le public leur a fait une ovation telle que Chung a proposé « d'aller pêcher quelques poissons de plus ! ». Et pour le plus grand plaisir des spectateurs, ce fut la reprise de l'Andantino avec son thème éternel…

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