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Clarinettistes de demain

Que ce soit Nielsen, Mozart, Poulenc, Boulez, Spohr, Schumann, ou bien d’autres, leurs contributions au répertoire pour clarinette ne fut pas immense – quelques concertos, sonates ou pièces diverses – mais toujours formées de chefs d’œuvre. Brahms et Copland ne font pas exception dans ces deux albums que tout sépare, en programme comme en qualité.

Autant commencer par l’oubliable, avec cette nouvelle version des célébrissimes Sonates de Brahms. Le seul attrait de ce disque aurait été le couplage (en général, le Grand duo concertant de Weber ou les Phantasiestücke de Schumann) : mais la Sonate de jeunesse de Gustav Jenner, disciple de Brahms, se souvient trop souvent de son modèle. Au final, une œuvre longue et bavarde malgré quelques passages inspirés. Les exécutants eux-mêmes semblent assez étrangers à cette atmosphère post-romantique, le summum de la « non interprétation » étant atteint avec les deux pièces de Brahms.

Le piano très percussif de Philip Smith manque de profondeur et de velouté dans le son, gommant implacablement toutes les nuances. Coté clarinette, ces deux Sonates ne sont pas d’une grande difficulté technique mais demandent un soutien sans faille ainsi qu’une grande variété de timbre. Bernhard Röthlisberger les interprète froidement, sans relief et sans variété de sonorité. Quant au rubato, si important dans ce répertoire, il est inexistant. Mieux vaut dès lors retourner aux valeurs sûres : Meyer/ Lesage (RCA « read seal », avec la 3ème sonate pour piano) ou Portal/ Pludermacher (Harmonia Mundi, collection économique « Musique d’abord »).

A l’inverse, l’album du clarinettiste Reto Bieri est une véritable révélation. Premier atout, un programme américain peu enregistré, avec en prime la version originale du Concerto de Copland ! Le compositeur l’avait en effet révisé peu de temps avant sa création car il dépassait les limites techniques de son dédicataire et créateur, Benny Goodman. Point de glissandi (sauf dans le finale) ni d’effets « jazzy » dans cette première moûture, mais tout un passage suraigu d’exécution redoutable dans la deuxième partie, dont le soliste s’acquitte avec une facilité presque insolente.

Reto Bieri est tout autant à l’aise dans l’élégiaque premier mouvement, tout d’une musique nocturne qui demande une grande plénitude sonore. L’orchestre, peu habitué à ce style fortement rythmique, sonne quelque peu « raide » et manque de souplesse. Le reste du programme de cet album est consacré à la musique de chambre, avec les sonates de jeunesse de Copland et Bernstein, œuvres agréables – mais non impérissables – qui recèlent ça et là quelques difficultés, d’ordre essentiellement rythmique. Néanmoins les soucis de mise en place entre Bieri et Bovino ne semblent à l’audition que pure formalité.

Avec « Gra » d’Elliott Carter, le clarinettiste continue de nous prouver ses qualités sonores dans cette page protéiforme, empreinte d’humour et de sérieux. Moins virtuoses mais très spectaculaires, les trois Préludes de Gershwin (à l’origine pour piano seul) font ressortir les qualités du pianiste Riccardo Bovino qui, par sa maîtrise technique, impose son instrument en partenaire – et non en simple accompagnateur. En fin de cet album la petite œuvre de Benny Goodman « Slipped Disc », virtuose et éblouissante, offre comme un « bis » à un concert plus que réjouissant.

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